Alors que l’artiste disparue il y a trente ans souffre d’un déficit de visibilité, Laurence Benaïm lui consacre un essai biographique peu informatif.

Anticipant la commémoration des trente ans de la mort de l’artiste, les éditions Gallimard publient une biographie de Leonor Fini (1907-1996) écrite par Laurence Benaïm. Une spécialiste de la mode semble en effet bien placée pour mettre en valeur le travail de la peintre dans ce domaine, elle qui fut seule créatrice de son look dans une mise en scène de soi élevée au niveau des beaux-arts. Comme la comtesse de Castiglione avant elle, elle s’est beaucoup fait photographier, souvent dans des tenues ou travestissements qu’elle créait pour les fêtes organisées chez elle ou auxquelles elle se rendait – ces clichés forment la majorité des quelque 150 illustrations du livre. Mais elle était aussi peintre, illustratrice, designer, créatrice de décors et costumes pour la scène et le cinéma, écrivaine. Et une femme totalement romanesque. Sa vie très libre, vis-à-vis des normes bourgeoises dans lesquelles elle avait grandi et du monde artistique qui l’entourait (elle refusait par exemple d’être incluse dans le mouvement surréaliste qu’elle jugeait misogyne), a fait d’elle une icône féministe, ce qu’elle s’est souvent défendue d’être.

Pour aborder ce personnage complexe, Laurence Benaïm a lu une importante documentation, qu’elle détaille à la fin de l’ouvrage, et a eu accès aux archives non publiées conservées par The Estate of Leonor Fini. Le photographe et peintre Richard Overstreet, qui fut l’un des derniers proches de l’artiste, lui a également fourni des informations. Toutes les conditions étaient donc réunies pour la rédaction d’une bonne biographie. Or il n’en est rien, l’autrice veille à mettre en valeur son propre style littéraire et ses réflexions personnelles plutôt que l’œuvre de l’artiste. Elle écrit par exemple, à propos des années 1970 : « Pour les admiratrices de Leonor, les créatures hybrides évoquent la possibilité d’être une autre. Libre à elles de se métamorphoser en chattes-fées, en mutines sorcières. Et comme il n’est pas d’eau bénite sans un peu de soufre, elles emportent en enfer un bout de paradis, ainsi qu’au paradis un bout d’enfer, le paradis de l’époque s’incarnant dans ces maisons de campagne à toit de chaume, où l’on débat des concepts en vogue : la parole pleine et la parole vide, le surmoi et la rébellion, la mort, le désir et le ça. Les eaux-fortes sur papier japonais signées au crayon et numérotées semblent hantées par des êtres au bord de l’effacement : quoi de plus doux, pour ces parents allergiques à toute forme d’autorité, que ces sphinges à la peau veloutée, ces Vespertilia anémiées ? […] »
Si l’on ajoute une citation fautive de Paul Éluard et quelques libertés avec l’orthographe et les accords, on ne peut qu’imaginer une rédaction dans la précipitation et finalement sans grand respect pour Leonor Fini. Peut-être le but secret était-il de décrire Trieste à laquelle sont consacrées les meilleures pages. Quant à la biographie de l’artiste, c’est Leonor Fini. Métamorphoses d’un art (Imprimerie nationale/Actes Sud, 2007) de Peter Webb qu’il faut lire. Malheureusement, ce livre est épuisé.
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Une biographie peu inspirée de Leonor Fini
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°664 du 31 octobre 2025, avec le titre suivant : Une biographie peu inspirée de Leonor Fini





