RGPP

Une bataille d’influence

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 27 février 2008 - 883 mots

Les musées nationaux, services
à compétences nationales, attisent l’appétit.

Pris dans la tourmente de la RGPP (révision générale des politiques publiques, lire ci-dessus), les musées nationaux, services à compétences nationales (SCN), sont au cœur de luttes sans merci opposant la Réunion des musées nationaux (RMN), la direction des Musées de France (DMF) et les grands établissements publics à un ministère de la Culture agissant non plus en arbitre mais en spectateur. Tous veulent leur part du gâteau depuis que la Rue de Valois a remis en question, le 12 décembre 2007, le statut des SCN, tout en annonçant la montée en puissance de la RMN. Et ce, à la défaveur de la DMF, amenée à être intégrée dans une vaste mission « Patrimoine » (lire le JdA no 272, 4 janvier 2008, p. 3). Des perspectives pas vraiment du goût de la DMF, ni des établissements publics, qui voient d’un mauvais œil la RMN depuis qu’ils sont sortis de son giron. La DMF, après avoir sondé les directeurs des grands établissements, a donc réfléchi de son côté à différents scénarios possibles pour les SCN – ses conclusions doivent être remises au ministère début mars –, tandis que les établissements exprimaient, eux aussi, leurs souhaits. « Chaque intervention à sa logique propre. Quand on confronte toutes les solutions, on obtient des petits bouts de rien ; la seule chose réellement envisagée semble le dépeçage du réseau des musées nationaux », observe Virginie Soyer, secrétaire nationale de la CGT-Culture. L’intersyndicale du ministère de la Culture se montre particulièrement inquiète face aux revendications de la RMN, laquelle, selon elle, prévoit de privatiser certains services et menace le statut des personnels de l’État. Thomas Grenon, administrateur général de la RMN, tempère : « Nous ne revendiquons rien, nous en sommes au stade de la réflexion sur les orientations prises au plus haut sommet de l’État. » La RMN a, précisément, promis une réduction de 20 % des dépenses et 8 millions d’économies si elle devait gérer les musées nationaux. « Ce que les musées ne peuvent avoir individuellement, ils peuvent l’avoir en commun. La RMN est avant tout un outil de mutualisation », ajoute Thomas Grenon. Le Centre des monuments nationaux s’est mis lui aussi de la partie en revendiquant l’ensemble des châteaux-musées, alors qu’il n’est absolument pas apte à gérer des collections ! Sans oublier l’idée avancée par le ministère de céder certains musées nationaux aux collectivités qui le souhaiteraient, initiative qui s’était soldée par un échec avec les monuments nationaux.
La DMF entend aussi faire profiter certains établissements publics de la situation. Le Musée d’Orsay pourrait en particulier bénéficier de l’opportunité de réaliser un vieux projet : annexer le Musée de l’Orangerie, proche géographiquement et dont les collections sont complémentaires aux siennes. Privé de directeur depuis le départ à la retraite, l’année dernière, de Pierre Georgel, le sort de l’Orangerie semble déjà scellé. De tels rapprochements sont-ils souhaitables ? Le cas du Musée Hébert, rattaché en 2004 au Musée d’Orsay, est édifiant : toujours dans l’attente de travaux, le musée est aujourd’hui fermé « pour une durée indéterminée ». Le Musée Picasso de Paris, fermé lui aussi pour rénovation, a, pour sa part, été approché par le Centre Pompidou comme alternative à la RMN. L’idée fut aussi évoquée d’unir l’hôtel de Cluny au Louvre, mais ni l’un ni l’autre n’y semblent favorables, le Musée du Moyen Âge préférant se rapprocher du Musée national de la Renaissance à Écouen (Val-d’Oise). De manière générale, les SCN penchent pour le statut d’établissement public, solution « la moins pire » à envisager, nous avouait l’un de leurs dirigeants, même si elle n’est pas viable à long terme pour beaucoup d’entre eux. La majorité des personnels des musées nationaux (le Louvre et Orsay compris) semblent aujourd’hui unanimes et optent pour le retrait de la RGPP, « outil de saccage du service public », selon l’intersyndicale du ministère de la Culture. « Les technocrates de Bercy règlent aujourd’hui leur compte vis-à-vis de la Culture qui, selon eux, ne devrait pas peser sur les dépenses publiques mais compter sur un financement privé. Cette vengeance est attendue depuis les années Lang », observe un chef d’établissement. Et de déplorer « l’attitude du Louvre qui va dans leur sens en dissimulant l’importance de l’État, ce qu’il lui a donné, ce qu’il lui donne encore ». La subvention versée au Louvre par l’État représente plus de 120 millions d’euros annuellement, soit 62 % du budget du fonctionnement du musée. Pourtant, Bercy érige en modèle l’institution, oubliant de préciser qu’un établissement public coûte beaucoup plus cher qu’un SCN. Dans ce tumulte général, il n’est, en outre, jamais question de collections ou de programme scientifique. La ministre de la Culture, s’appuyant sur le rapport de Jacques Rigaud concernant l’inaliénabilité des collections publiques, n’avait-elle pourtant pas rappelé, au début du mois de février, que leur préservation et leur étude étaient la mission première des musées ?...

Les crédits alloués aux musées (chiffres Sénat/projet loi de finances 2008)

- Budget de la Culture 2008 : 2,77 milliards d’euros
- Crédits alloués aux musées de France pour 2008 : 441,08 millions d’euros
- Crédits d’acquisition : 18,6 millions d’euros
- Subvention établissements publics : 286,77 millions d’euros (120 millions pour le Musée du Louvre)
- Subvention RMN : 21,43 millions d’euros

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°276 du 29 février 2008, avec le titre suivant : Une bataille d’influence

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