Une année du Mexique bien compromise

La quasi-annulation de l’Année du Mexique en France rappelle la relativité de l’enjeu culturel de ce type d’événements

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 1 mars 2011 - 507 mots

La décision du gouvernement français de dédier l’Année du Mexique en France à Florence Cassez a provoqué le retrait du Mexique de toutes les festivités. Si plusieurs expositions ont déjà été annulées et la participation financière mexicaine supprimée, la position officielle de la France se fait encore attendre.

PARIS -  Il y a ceux qui poussent un soupir de soulagement, qu’ils soient responsables de musées ou mécènes, d’avoir échappé à l’enrôlement généralisé coutumier à ce type d’année culturelle. Et il y a ceux qui sortent les calculatrices pour chiffrer les dégâts et tenter de sauver ce qui peut encore l’être, là en ajustant la programmation, là en se retirant du label. Cela « dans l’attente d’une décision nationale », obligeant l’Institut français, cheville ouvrière de l’Année du Mexique en France, à se réfugier dans un silence embarrassant. Car, côté français, si on a pris acte du retrait du Mexique, nul ne s’est encore prononcé officiellement pour une annulation des événements.

Un changement de ton du gouvernement français sur la dédicace de cette année à Florence Cassez (condamnée à 60 ans de prison par la justice mexicaine) serait donc susceptible d’assouplir la position mexicaine, comme l’ont réclamé plusieurs acteurs culturels engagés dans une lettre ouverte adressée le 24 février au président de la République. La déstabilisation récente du Quai d’Orsay, qui s’est soldée par un dixième remaniement gouvernemental, aura sans aucun doute encore retardé la résolution du problème. Gageons qu’après avoir permis une remise à plat du dossier de l’hôtel de la Marine (à Paris) lors de son bref passage au ministère de Défense, Alain Juppé, nouveau ministre des Affaires étrangères, sache à nouveau trouver une sortie honorable à cette affaire mexicaine. Car le bilan pourrait s’avérer lourd. En termes financiers, le coût global de l’année a été chiffré à 50 millions d’euros, dont 22 millions pris en charge par le Mexique, 25 millions par la France et 3 millions par un club de mécènes, réunis autour du groupe aéronautique Safran.

Pour les musées qui ont déjà dû renoncer à une exposition, comme le Musée gallo-romain de Saint-Romain-en-Gal (Rhône) et la Pinacothèque de Paris, la perte est sèche. Marc Restellini, directeur de cette dernière structure entièrement privée, estime son manque à gagner de recettes à près de 6 millions d’euros. Pour les autres, l’incertitude demeure. Mais, à plus long terme, les conséquences seront aussi difficiles à assumer pour l’Institut français, le nouveau bras armé de la diplomatie culturelle française. L’affaire de l’année du Mexique jette en effet une lumière crue sur la réalité de ces années culturelles croisées, simples variables d’ajustement de la diplomatie d’influence française. Il risque donc d’être désormais plus difficile de convaincre les institutions du bien-fondé d’une participation à ces manifestations. Quant aux mécènes, certains nous avaient déjà fait part – bien avant ces événements – de leur agacement à se voir systématiquement forcer la main pour participer à ses raouts diplomatiques. Dans un contexte où le mécénat culturel révèle déjà certaines failles, le fiasco mexicain risque de porter un nouveau coup dur au système.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°342 du 4 mars 2011, avec le titre suivant : Une année du Mexique bien compromise

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