Un monument pour les Juifs d’Europe assassinés

Le projet de Berlin est relancé au milieu de vives controverses

Le Journal des Arts

Le 7 novembre 1997 - 487 mots

Le projet d’un monument en mémoire des martyrs juifs du nazisme à Berlin soulève de nombreuses polémiques. Les lauréats d’un premier concours ayant été écartés par Helmut Kohl, vingt-cinq artistes internationaux sont à nouveau invités à présenter leurs propositions.

BERLIN - Le "Monument pour les Juifs d’Europe assassinés", mémorial national érigé par l’Allemagne en mémoire de l’Holocauste, devra, selon les souhaits du Sénat allemand, "témoigner du souvenir que l’Allemagne entretient aujourd’hui de l’Holocauste, un souvenir pénible et complexe". L’annonce du second concours n’a pas pour autant apaisé la controverse qui entoure le projet, puisqu’il reprend l’idée initiale d’un monument dédié aux seuls Juifs victimes du génocide. Les autres groupes systématiquement persécutés par les nazis, comme les Sinti et les Rom (Gitans) et les homosexuels, en sont exclus au motif que le génocide des Juifs était un crime unique, visant à "supprimer du cœur de l’Europe une culture vieille de mille ans". L’instauration d’une telle hiérarchie entre les victimes a non seulement offusqué les membres de ces autres communautés, mais aussi de nombreux juifs qui regrettent de bénéficier une fois encore d’un "statut spécial".

Le Sénat prévoit la création d’autres monuments en mémoire des groupes aujourd’hui exclus, le mémorial juif servant de "modèle et d’inspiration" pour un éventuel ensemble de monuments dédiés aux victimes du National Socialisme. Le premier concours, en 1995, soutenu par une vigoureuse campagne de publicité que conduisait une personnalité de la télévision allemande, Lea Rosh, avait suscité un grand intérêt. Parmi les 528 projets soumis, deux artistes avaient partagé la première place : la Berlinoise Christine Jackob-Marks et Simon Ungers, de Cologne. Mais le Chancelier Helmut Kohl les avait tous deux sommairement écartés. Après trois colloques organisés entre janvier et avril, le Sénat a finalement décidé de ne pas tenir compte du premier concours et d’en lancer un second. Aux neuf artistes allemands ayant été distingués lors de la première compétition viennent s’ajouter seize artistes et architectes de renommée internationale. Ils ont été choisis par un comité composé de Werner Hoffmann, ancien directeur de la Hamburg Kunsthalle, Josef Paul Kleihues, l’architecte berlinois qui a transformé la Hamburger Bahnhof en musée d’art contemporain, Dieter Ronte, de la Kunsthalle de Bonn, Christoph Stölzl, directeur du Musée juif d’histoire de Berlin, et James E. Young, l’historien américain auteur de Texture of memory : Holocaust memorials and meaning (La texture de la mémoire : les mémorials de l’Holocauste et leur signification, Yale University Press, 1993). Le monument sera financé par le gouvernement fédéral, la municipalité et un ensemble de donateurs privés. Quinze millions de deutschemarks (50 millions de francs) ont été affectés à sa construction sur 20 000 m2 au centre de Berlin, et 10 000 deutschemarks à la soumission des projets. Ces derniers seront exposés au public à Berlin en décembre, lorsque les membres du comité, les représentants des trois groupes de financiers et Ignatz Bubis, le président du Conseil des Juifs d’Allemagne, auront arrêté leur choix.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°47 du 7 novembre 1997, avec le titre suivant : Un monument pour les Juifs d’Europe assassinés

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