Restitutions

Un Monet restitué aux Rosenberg

Par Jean-François Lasnier · Le Journal des Arts

Le 14 mai 1999 - 588 mots

Réclamé avec fracas à Washington en décembre, le tableau de Monet, Nymphéas (MNR déposé au Musée des beaux-arts de Caen), a été rendu aux héritiers du marchand d’art Paul Rosenberg. Cette décision intervient opportunément, alors que la Cour d’appel de Paris doit rendre bientôt son arrêt dans un cas relatif à cinq MNR, dont un Tiepolo.

PARIS - Le 29 avril, Catherine Trautmann a officiellement restitué aux héritiers du marchand Paul Rosenberg les Nymphéas de Claude Monet, récupéré après la guerre (MNR 214) et déposé depuis 1973 au Musée des beaux-arts de Caen (lire JdA n° 73, 18 décembre 1998). Volé par les nazis en 1940 dans la propriété girondine du marchand avec toutes les œuvres qui s’y trouvaient, le Monet avait échoué dans les bureaux de Ribbentrop à Berlin, où les Alliés l’avaient retrouvé. Confié par l’Office des biens privés à la Direction des Musées de France, le tableau fut exposé au Jeu de Paume de 1950 à 1973, avant de rejoindre Caen.

Apparemment, la fébrilité manifestée par la délégation française à la Conférence de Washington, à l’occasion de laquelle la revendication des héritiers Rosenberg avait été révélée, semble oubliée et avoir fait place à un discours plus mesuré, comme en témoignent les propos tenus par Catherine Trautmann qui a fait part de sa “profonde émotion”. On est loin de ceux du directeur des Musées de France à la Conférence de Washington, parlant de “bombe journalistique” et estimant que “les Rosenberg auraient dû se manifester plus tôt”. Le marchand n’avait pourtant pas manqué de le faire, et cela dès 1945. Mais si 160 tableaux lui ont été restitués jusqu’en 1951, il ne reverra jamais ses Nymphéas. Pourtant, l’œuvre figurait dans le Répertoire des biens spoliés dressé après la guerre sous la mention “Claude Monet, les Nymphas [sic], 90x92, M. Paul Rosenberg”. La concordance des dimensions n’a apparemment pas suffi à convaincre les fonctionnaires chargés d’étudier ce dossier. Ainsi, la ministre a expliqué que la toile avait été confrontée avec la photo conservée dans les archives Rosenberg et que le numéro de stock retrouvé dans ces mêmes documents correspondait à celui figurant au revers.

Une décision opportune
C’est le septième MNR restitué depuis 1996, après notamment Paysage cubiste de Gleizes, Deux femmes de Foujita ou Nègre pie de Picabia. Pas rancuniers, les héritiers Rosenberg ont accepté de prêter le tableau au Musée de l’Orangerie à l’occasion de l’exposition “Monet, le cycle des Nymphéas”.

La décision de restituer le Monet intervient à un moment opportun puisque, quinze jours auparavant, le 14 avril, le litige portant sur cinq MNR déposés au Musée du Louvre et réclamés par les héritiers de Frédéric Gentili di Giuseppe était soumis à la Cour d’appel de Paris. En première instance, malgré des réquisitions favorables du procureur, le juge avait refusé la restitution de ces tableaux, respectivement de Tiepolo, Moretto da Brescia, Bernardo Strozzi, Alessandro Magnasco et Rosalba Carriera (lire le JdA n° 66, 11 septembre 1998). Chaque partie a repris les arguments qu’elle avait alors développés (lire page 3 l’analyse de Jean-Marie Schmitt) ; les demandeurs ont rappelé la convention passée entre les Alliés et l’Allemagne en 1954, principalement le chapitre sur les restitutions extérieures. En vertu de cet accord, toutes les œuvres d’art achetées ou pillées après le 17 mai 1940, début de l’invasion de la France, seraient rendues à ceux qui les possédaient avant cette date si elles étaient retrouvées en Allemagne. Est-il imaginable que des œuvres ramenées d’outre-Rhin avant 1954 subissent un sort différent ? Réponse le 4 juin au plus tôt.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°83 du 14 mai 1999, avec le titre suivant : Un Monet restitué aux Rosenberg

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