En mémoire des juifs autrichiens

Un mémorial de l’Holocauste à Vienne

Par Roger Bevan · Le Journal des Arts

Le 1 avril 1996 - 415 mots

Rachel Whiteread a gagné le concours international pour la conception et la réalisation à Vienne d’un mémorial en hommage aux juifs autrichiens victimes des persécutions nazies. Érigé sur la Judenplatz, ce Mémorial de l’Holocauste sera inauguré le 9 novembre au cœur de l’ancien quartier juif de la capitale.

VIENNE - Rachel Whiteread était l’un des huit artistes invités à participer au concours, présidé par un jury international, en compagnie des Autrichiens Valie Export, Karl Prantl, Zbynek Sekal et Heimo Zobernig, des Américains Clegg & Guttman et Peter Eisenheim et du Russe Ilya Kabakov.

Estimé 9 millions de shillings autrichiens (près de 4,8 millions de francs), le projet du sculpteur britannique propose une solution ingénieuse à un problème qui a longtemps laissé perplexes les artistes tentés de représenter visuellement l’une des tragédies centrales de l’histoire moderne. En cela, il contrastera avec le Monument contre la guerre et le fascisme d’Alfred Hrdlicka, érigé sur l’Albertinaplatz en 1988, qui n’a pas vraiment suscité l’enthousiasme du public.

Le Mémorial de l’Holocauste est un bloc rectangulaire en béton qui représente une bibliothèque partiellement détruite. Les quatre murs ont été escamotés pour laisser entrevoir les ouvrages disposés en rangées régulières, mais à l’envers, le dos de la reliure orienté vers l’intérieur. Cette structure monolithique, mémorial dédié aux 65 000 juifs autrichiens exterminés dans les camps de concentration nazis, témoigne ainsi de l’importance de l’érudition et de la littérature dans l’histoire juive. Ses portes à jamais condamnées évoquent la bête immonde et sa volonté de détruire une culture en effaçant jusqu’à la mémoire des livres. Mais il est aussi un signe d’espérance puisqu’il illustre la survie d’un peuple à travers ses écrits, au nombre desquels les témoignages de rescapés des camps de la mort.

Le Mémorial, auquel Rachel Whiteread travaillera tout l’été, sera édifié sur la Judenplatz et inauguré le 9 novembre, au cœur de l’ancien quartier juif de la capitale. De récentes fouilles archéologiques y ont exhumé les vestiges de deux synagogues dans lesquelles la population juive fut regroupée, forcée à manger du porc et brûlée vive en 1421. Le nouvel édifice sera construit directement sur ces témoignages fragiles, tel un reliquaire, mais un passage souterrain aménagé à un angle de la place permettra d’accéder aux vestiges archéologiques.

Quelques jours après l’annonce des résultats du concours, Rachel Whiteread déclarait : "Un tel drame dépasse tout entendement et rend impossible toute tentative d’explication. Mais l’art, et la sculpture en particulier, parce qu’ils sont des modes d’expression visuels, permettent peut-être de dépasser l’indicible."

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°24 du 1 avril 1996, avec le titre suivant : Un mémorial de l’Holocauste à Vienne

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