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Un Feininger échappe au Mnam

Aller et retour

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 25 mai 2011 - 466 mots

Le Musée national d’art moderne avait refusé en 2008 la donation d’un tableau de Feininger, considérant qu’il y avait un doute sur son authenticité et ses origines. La maison de ventes Artcurial a pourtant pu obtenir un certificat d’authenticité et démontrer que la toile n’a pas été l’objet d’une spoliation.

PARIS -  Le 29 mai, la maison Artcurial devait mettre aux enchères un tableau signé Lyonel Feininger, Le Port de Swinemünde (1915), le clou de la vente.
Authentifiée par le spécialiste du peintre, Achim Moeller, et estimée 1,5 à 2 million(s) d’euros, la toile pourrait partir pour le double de cette somme, au profit de l’Institut Curie, du Secours populaire français et de la Fondation mondiale recherche et prévention sida de l’Unesco, associations auxquelles Roger-Jean Spiri, cinéaste disparu en 2007 sans descendance en ligne directe, a légué ses biens. À la lecture du catalogue de vente, Alfred Pacquement, directeur du Musée national d’art moderne, s’étonne. Car il reconnaît ce tableau : Roger-Jean Spiri, souhaitant qu’il rejoigne les collections publiques, avait expressément désigné par testament le Centre Pompidou comme légataire de cette œuvre, comme l’a révélé le 19 mai notre confrère Vincent Noce de Libération. 

Déclaré comme faux
À l’époque, les mandataires en charge de la succession Spiri interrogent Achim Moeller, du Lyonel Feininger Project à New York. L’expert s’enthousiasme devant la toile qu’il voit à Paris en 2008. Pour son authentification, il demande 1 000 dollars d’honoraires, plus cinq pour mille de la valeur de l’œuvre dans un email portant le nom de sa galerie. On lui rétorque alors que, le tableau étant destiné à un musée, il ne fera pas l’objet d’une transaction commerciale. Après plusieurs relances, Achim Moeller déclare le tableau comme faux, par courrier daté du 27 juin 2008. Alfred Pacquement confirme que, « selon Achim Moeller, l’œuvre ne pouvait être authentique ». De plus, la toile ayant appartenu à une collection allemande en partie spoliée, l’institution devait être extrêmement prudente quant à son acquisition. « Nous avons refusé le legs sur ce double motif. » Des recherches auraient pourtant suffi à lever le voile sur la traçabilité de l’œuvre : Artcurial a en effet établi que le tableau a bien été acquis par Roger-Jean Spiri auprès du collectionneur allemand Hugo Simon dans la seconde moitié des années 1930.

Négligence ou manipulation ? On peut s’interroger sur le fait que le Centre n’ait pas effectué les mêmes recherches qu’Artcurial. Mais on peut aussi se demander pour quelles raisons Achim Moeller, qui a retrouvé la trace de la toile dans le catalogue d’une exposition à Berlin en 1928, s’est finalement décidé à délivrer en 2010 un certificat d’authenticité. Francis Briest, coprésident d’Artcurial, affirme que ce certificat n’a donné lieu à aucune contrepartie financière autre que les frais habituels, d’un montant de 1 000 dollars. 

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°348 du 27 mai 2011, avec le titre suivant : Un Feininger échappe au Mnam

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