Décentralisation

Transferts à risques

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 3 décembre 2004 - 671 mots

L’État a rendu publique la liste des monuments historiques susceptibles d’être cédés aux collectivités territoriales.

 PARIS - Le ministère de la Culture et de la Communication a rendu publique, le 17 novembre, une liste de 178 monuments historiques appartenant à l’État et « susceptibles d’être transférés » aux collectivités territoriales en application de la loi de décentralisation du 13 août 2004. La liste reprend « dans sa quasi-intégralité les préconisations de la commission Rémond » (lire le JdA n° 182, 5 décembre 2003), qui avait établi l’an dernier une liste de 162 monuments (sur 442 appartenant à l’État) dont le transfert vers les collectivités était jugé soit « possible » soit « souhaitable ». Les rares exceptions à ces recommandations concernent le fort Saint-André à Villeneuve-lès-Avignon (Gard) – que l’État souhaite conserver dans le cadre d’un projet commun avec la chartreuse de cette même ville –, l’abbaye du Bec-Hellouin (Eure), les remparts et la tour Carbonnière d’Aigues-Mortes  (Gard) – qui seront reliés à la tour de Constance, lieu de mémoire conservé par l’État –, le site préhistorique de Solutré (Saône-et-Loire) et la Maison de Georges Clemenceau à Saint-Vincent-sur-Jard (Vendée). À l’inverse, le transfert sera proposé pour le camp de Péran à Plédran (Côtes-d’Armor), le couvent des Cordelières de Provins (Seine-et-Marne) et le fort de Salses (Pyrénées-Orientales). La liste fera l’objet d’un décret en Conseil d’État avant la fin de l’année. Puis les demandes des collectivités territoriales seront examinées dans les douze mois à compter de sa publication.
Pour le ministre de la Culture Renaud Donnedieu de Vabres, le transfert se fera seulement sur la base d’un « strict volontariat ». À ceux qui l’accusent de vouloir se débarrasser des monuments présentant d’importants déficits d’exploitation et de se réserver la part du lion, le ministre avait répondu, le 4 novembre, qu’il ne s’agissait pas « d’un désinvestissement de l’État » mais bien « d’une gestion intelligente » du patrimoine doublée d’une « meilleure répartition des rôles » entre l’État, les Régions et les départements. Des propos qui n’ont pas apaisé les esprits puisque, à la suite de la publication de la liste, certains élus ont fortement critiqué l’initiative.

Une « meilleure répartition des rôles »
Ainsi du président de la Région Centre Michel Sapin (PS), qui a précisé que sa région « n’a[vait] pas l’intention de devenir châtelain », ajoutant que le seul bâtiment qu’elle serait susceptible de gérer était le château de Chaumont-sur-Loire (Loir-et-Cher) et que, « si le coût se rév[élait] trop élevé, ce sera[it] non ». En région Centre, les châteaux de Bourges, Fougères-sur-Bièvre, Talcy ainsi que la tour César à Beaugency sont également concernés, l’État conservant les châteaux de Chambord et d’Azay-le-Rideau. Si, pour certaines collectivités territoriales, la gestion, l’entretien et la restauration d’un site représentent de trop lourdes charges financières, d’autres considèrent l’opération de transfert comme un réel moyen de développement touristique. De manière générale, la qualité de la mise en valeur d’un site ou d’un monument dépendra des programmes lancés par les instances locales. Le problème est aussi de savoir quelles seront les garanties financières accordées par l’État aux collectivités pour permettre de mener à bien ces programmes. Comme le précise la loi du 13 août 2004, une convention conclue entre l’État et la collectivité fixera « l’utilisation prévue » du monument transféré et « les conditions éventuelles d’ouverture au public et de présentation des objets qu’il renferme ». Elle déterminera, sur cinq années maximum, un plan de travaux pouvant être subventionnés par l’État. Mais après ? Quels seront réellement le rôle et les engagements de l’État ? Comment exercera-t-il son droit de regard sur les monuments de la mémoire collective ? Autant de questions sans réponse. Parallèlement à la publication de la liste, le ministère a lancé un vaste plan de mise en valeur des monuments qu’il conserve, tels l’abbaye de Cluny, le château de Vincennes, d’Azay-le-Rideau et d’Angers, le palais du Tau à Reims, le domaine de Saint-Cloud, l’église de Brou, le château comtal de la cité de Carcassonne ou le site de Carnac...

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°204 du 3 décembre 2004, avec le titre suivant : Transferts à risques

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