Tour de France (part III)

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 13 février 2008 - 1049 mots

Quels sont les principaux enjeux culturels des élections municipales dans les grandes villes de France ?
- Tour d’horizon

Metz
Le Centre Pompidou-Metz au cœur du débat
Les retards et dépassements budgétaires du Centre Pompidou-Metz absorbent les débats culturels des candidats. Une aubaine pour certains, en manque de programme concret ! La charge la plus violente vient de Marie-Jo Zimmermann, candidate UMP qui, dans une lutte fratricide, dénonce « l’irresponsabilité » du maire sortant, Jean-Marie Rausch, candidat (divers droite) à sa propre succession. « On est passé d’un projet à 37 millions d’euros à plus de 60 millions, s’indigne-t-elle, en réclamant un audit financier et technique. Les fondations sont posées, mais on n’arrive pas à réaliser le bâtiment ; le problème de la faisabilité de la toiture reste entier, le chantier n’avance plus. » Plutôt mince, sa stratégie culturelle se limite à brocarder les dérives. Face au tollé général, l’adjoint à la culture actuel, Patrick Thiel, tente de jouer les pompiers sans éteindre totalement les feux. Certains affirment que cet équipement coûteux aurait écorné les subventions allouées aux autres structures. « Faux, [leurs budgets] sont en hausse de 3 à 5 % par an, assure Patrick Thiel. Si l’on veut un grand projet culturel qui ait un impact comme le Guggenheim à Bilbao, il faut que l’ensemble des autres équipements soit à la hauteur. » La mandature actuelle raisonne toutefois plus en termes de levier économique que de vision culturelle.
De leur côté, Dominique Gros, candidat PS, et Nathalie Griesbeck, porte-drapeau du MoDem, regrettent que la médiathèque ne soit pas intégrée dans le futur Centre Pompidou, mais construite à proximité. Calquant presque leurs discours l’un sur l’autre, tous deux déplorent le « superbe isolement de la ville ». L’un et l’autre misent sur des activités de proximité, la culture associative et la valorisation du patrimoine. Dominique Gros préconise la création d’une chaire « art et industrie » au sein d’un groupement d’organismes de recherche et de développement économique. Nathalie Griesbeck prévoit un « pass culturel inter-cités », mais aussi transfrontalier. Tarte à la crème habituelle, le refus de l’élitisme se décline entre un rendez-vous sur le modèle, promu par la candidate du MoDem, de la Folle Journée de Nantes, ou sous la forme, pour son concurrent du PS, d’une « Nuit du patrimoine ».

Rennes
En attendant la Biennale
Malgré l’absence de lieux phares, qui entraîne un émiettement de l’offre, cette ville estudiantine fait office de bon élève sur le plan culturel avec une politique active de commandes publiques et une mise en place non moins remarquable d’ateliers pour artistes. Installation du Fonds régional d’art contemporain (FRAC) Bretagne début 2010, pour laquelle la Ville intervient à hauteur de 20 % ; dynamisme du centre d’art de La Criée ; Biennale d’art contemporain lancée le 16 mai prochain à l’initiative du collectionneur Bruno Caron ; synergie intelligente entre les acteurs culturels locaux..., le bilan de la municipalité sortante d’Edmond Hervé, maire PS depuis 1977, est un quasi « sans faute ». De fait, le nouveau candidat PS, Daniel Delaveau, joue la continuité et le renforcement. Au point de s’être dispensé de la conception d’un vrai programme culturel. Sa touche personnelle se limite au projet d’une « cité des idées », dont les tenants et les aboutissants ne sont pas encore définis. Il ne s’agirait pas d’un nouvel équipement, mais d’une « fédération des énergies » autour de « manifestations transversales » s’appuyant sur le bâtiment des Champs-Libres. Concocté par Franck Darcel, le programme de Caroline Ollivro, candidate du MoDem, est plus touffu et précis. Arguant d’un essoufflement de l’ancienne dynamique, il souhaite aider les créateurs locaux à s’exporter davantage. Il envisage aussi de relancer le festival des arts numériques, tout en ouvrant, avec les entreprises de pointe, une plate-forme expérimentale des arts contemporains liés au numérique. Franck Darcel propose enfin de créer au sein de la municipalité un poste dédié à la recherche de mécénat. Arqué sur le refus de l’élitisme, joker des candidats en mal d’inspiration, le candidat UMP Karim Boudjema offre un projet culturel aussi maigre que flou. La restauration du couvent des Jacobins, dans l’optique d’un centre d’art, apparaît enfin comme une constante chez tous les compétiteurs. Mais le véritable enjeu concernera le développement des partenariats avec Nantes, dont l’aura éclipse souvent la cité rennaise.

Strasbourg
Culture institutionnelle ou populaire ?
Menée par le tandem UMP Fabienne Keller et Robert Grossmann, la capitale alsacienne fait figure de champion de la culture en y consacrant environ 23 % de son budget. Pour enfoncer le clou, la mandature actuelle a enchaîné les inaugurations à marche forcée : le Musée historique le 30 juin, puis celui de Tomi Ungerer le 2 novembre. Le bilan est positif. Mais le recalage, dès le premier tour, dans la course au label de « Capitale européenne de la culture », fait tâche. « Je ne crois pas que cela ait un impact sur les électeurs. J’ai la conviction que le jury n’a pas voulu retenir une ville qui est déjà capitale de l’Europe, indique Robert Grossmann. Tant pis, nous allons malgré tout poursuivre le projet “Horizons rhénans” dans les trois ou quatre prochaines années. » Outre cette idée transfrontalière, celui-ci envisage d’inscrire davantage la culture dans les quartiers via le concept – encore flou – de « Villas Gutenberg ».
L’offre strasbourgeoise en équipements culturels étant déjà très riche, le sénateur du Bas-Rhin, Roland Ries, candidat PS, peine à promouvoir l’alternance sur ce terrain. Aussi prône-t-il plutôt une redistribution du budget, trop axé selon lui sur une culture purement institutionnelle. « La culture ne se résume pas à un empilement d’équipements qui coûtent cher et laissent peu de place au reste, affirme-t-il. Le rôle d’une municipalité est de répondre aux demandes sans privilégier ses propres choix culturels comme le fait Robert Grossmann. L’ensemble de l’offre ne répond pas aux demandes d’aujourd’hui. » Draguant l’électorat le plus jeune, friand de musiques actuelles, Roland Ries prévoit de réexaminer la pertinence de chaque événement, à commencer par le Festival de musique classique. Braconnant sur les terres habituellement arpentées par la droite ou l’extrême droite, il se veut le héraut du régionalisme « progressiste » et de la défense de la langue alsacienne. Entre les « bardes alsaciens » et les dérives folkloriques de ce genre d’exercice, le dosage sera difficile à trouver.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°275 du 15 février 2008, avec le titre suivant : Tour de France (part III)

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