Art et communication

Tentations d’automne

Le Journal des Arts

Le 3 novembre 2000 - 676 mots

En cette période d’automne, la publicité nous offre une balade entre le Cubisme et la Renaissance italienne. À déguster à l’heure de l’apéritif et à tous les instants du grignotage.

Lorsque l’on s’appelle Raffaello, que l’on sort de chez Ferrero, il est impossible de renier ses origines italiennes. La marque, le nom du produit, le packaging, tout là-dedans évoque l’Italie. Quand on écarte les spaghettis et les gondoles à Venise, de l’Italie il reste aussi l’art de la Renaissance dont les anges ont souvent été les inspirateurs. Or, Ferrero veut positionner Raffaello, produit raffiné, léger et sain, comme une friandise de consommation régulière, proche du grignotage. Pour véhiculer cette pureté et cette légèreté, l’annonceur a choisi ce même thème des anges. À eux de séduire et susciter la tentation. La mise en œuvre de ce scénario se fera à travers la peinture.

À partir d’un melting-pot de styles de peintres et de siècles, une fresque géante de 8 mètres de haut sur 5 mètres de large fut réalisée par Thierry de Cormières. Une tâche qui fut quelque peu ardue pour ce peintre décorateur. Celui-ci devant se plier aux contraintes de l’annonceur et aux désirs artistiques de la réalisatrice ; son ego d’artiste n’y trouva pas son compte... On y retrouve, entre autres, les tonalités de Raphaël, le style du Corrège, pour un ensemble qui se veut à la fois assez onirique et assez moderne. Il s’agit de trouver une écriture plastique qui encadre le sujet et donne au film un côté contemporain sans la lourdeur habituelle du baroque. Quelques tableaux isolés furent également créés pour les gros plans. Le tout fut transporté dans une abbaye du XIIe siècle, lieu privé et abandonné qui nécessita quelques travaux de remise en état : vitraux cassés et trous béants dans les murs qu’il fallut occulter par des pierres ou des peintures. La réalisatrice Ariane Besson (production Byzance) eut la charge d’inscrire les regards dans la mise en scène. Une femme perchée au plafond y joue le (faux) peintre. Un dialogue mutin et coquin s’instaure entre elle et les anges. Une complicité espiègle qui entraîne les anges à succomber à la tentation de partager un Raffaello. La signature “L’envie innocente” confirme que la gourmandise n’est plus un péché et que Raffaello peut se savourer en toute impunité, n’importe quand, n’importe où et avec n’importe qui, sur terre comme au ciel !

Effet boomerang pour Suze
Concilier le respect de la loi Evin et les exigences marketing des annonceurs est toujours un défi qui s’assimile fort à un habile exercice de jonglage. Pour Suze (groupe Pernod Ricard), l’agence Jean & Montmarin a opté pour une campagne très visuelle qui humanise la bouteille en mettant l’accent sur la personnalité du produit. En effet, Suze, troisième apéritif français, se distingue par son tempérament et son goût particulier. Il plaît ou ne plaît pas, mais ne laisse en aucun cas indifférent. C’est un produit à part, comme peuvent l’être les artistes, souvent marginaux et originaux. À travers l’art, la cible sophistiquée des buveurs de Suze est rejointe. Dans l’une des annonces on voit la bouteille de Suze “déguisée” en visiteur de musée le verre à la main, admirant un tableau sur lequel au premier plan figure une bouteille de... Suze ! Le tableau, quant à lui, est un pastiche recomposé à partir de différents ingrédients du Cubisme par le peintre et illustrateur Philippe Caron. Cette rencontre entre Suze et l’art est issue d’une judicieuse observation qui donne tout son sens à la conception créative de l’annonce. En 1913, à l’époque où il fréquentait Georges Braque, Picasso a utilisé une bouteille de Suze dans l’une de ses œuvres La Bouteille de Suze, papier collé et fusain. Suze entrait dans le monde de l’art. Aujourd’hui, sous forme de clin d’œil, Suze entre au musée par le biais de la publicité. La boucle est bouclée.

- Agence : Jean & Montmarin / Directeur de création : Gérard Jean. Directeur artistique : Rémi Courgeon / Concepteur-rédacteur : Sidonie Jean / Photographe : Paul Goirand / Peintre : Philippe Caron

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°114 du 3 novembre 2000, avec le titre suivant : Tentations d’automne

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