Strasbourg attend sa mosquée

Après le concours, le projet semble compromis

Par Christian Simenc · Le Journal des Arts

Le 21 décembre 2001 - 545 mots

La grande mosquée de Strasbourg
verra-t-elle le jour ? On est en droit de se le demander tant cet ambitieux projet, remis à plat par la nouvelle municipalité à son arrivée en mars, semble aujourd’hui sérieusement compromis. Dernier épisode en date, le 8 novembre, l’annonce faite par Fabienne Keller et Robert Grossmann, respectivement maire (UDF) et président de la Communauté urbaine (RPR), de la création d’une commission extracommunale chargée, « d’ici au printemps », d’évaluer le bien-fondé de cette réalisation. En clair : tout peut être remis en cause.

Le principe de la construction d’un nouveau lieu de culte destiné aux 40 000 musulmans de Strasbourg avait été voté en avril 1999. Au programme : un espace cultuel de 2 500 places, un espace culturel de 2 500 m2 avec auditorium, des locaux de service et une esplanade de 4 000 m2 utilisable pour les fêtes. Coût estimé : 103 millions de francs. En outre, la municipalité, qui finance 10 % du coût de la construction – c’est le cas pour tout autre confession –, mettait à disposition un terrain situé au Heyritz, non loin de la place de l’Étoile, sur les bords de l’Ill.

Deux projets vont s’affronter : celui d’Abdellah Boussouf, recteur de la mosquée du “centre-ville”, a la préférence des religieux ; celui d’Ali Bouamama, professeur de civilisation arabe à l’université Marc-Bloch, celle des laïcs. Jusqu’à ce que l’ancien maire, Roland Ries (PS), ne tranche en faveur du premier, qu’il estime “le plus abouti”. Ce choix est entériné par le conseil municipal du 22 mai 2000. Bien que le maître d’ouvrage – la “SCI Grande-Mosquée” – soit privé, rien ne l’oblige à recourir à une telle consultation, mais il lance néanmoins un concours international. L’Italien Renzo Piano décline. Sont alors en lice six équipes : Jean-Michel Wilmotte, le Suisse Mario Botta, le duo franco-marocain Benjelloun & Rochd, l’Italien Paolo Portoghesi, la Britannique d’origine irakienne Zaha Hadid et les Strasbourgeois Valente & Pfister. Le 19 octobre 2000, un jury retient ces trois derniers pour un deuxième tour : un cube de verre passe-partout (Valente & Pfister), un édifice plutôt kitsch avec dôme de cuivre arabisant et minaret (Portoghesi) et une audacieuse calligraphie de béton, qui rompt radicalement avec l’architecture traditionnelle musulmane (Hadid, déjà auteur à Strasbourg d’une étonnante station en fin de ligne du tramway). Le 9 novembre 2000, il choisit, sans surprise, le projet de Portoghesi, avec toutefois “quelques réserves, principalement sur l’aspect extérieur”. Coût estimé : 120 millions de francs, pour quelque 7 000 m2. Depuis, plus rien !

Le permis de construire, déposé le 15 avril 2001, est gelé. Les relations entre les divers courants, au sein même de la communauté musulmane, itou. Et l’enquête publique à laquelle doit être soumise le bâtiment n’a toujours pas été lancée. Or, ce grand projet est une formidable gageure : aucune mosquée de cette importance n’a été construite en France depuis la grande mosquée de Paris, édifiée, dans un style hispano-mauresque, dans les années 1920. “Nous rendrons possible la construction d’une mosquée centrale s’il y a l’union de tous les musulmans de Strasbourg”, ont affirmé en chœur, le 8 novembre, Fabienne Keller et Robert Grossmann. L’ouverture de la grande mosquée de Strasbourg, elle, est toujours prévue pour la fin 2003... Inch Allah !

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°139 du 21 décembre 2001, avec le titre suivant : Strasbourg attend sa mosquée

Tous les articles dans Actualités

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque