Art contemporain

Sous le soleil

Par Anaïd Demir · Le Journal des Arts

Le 25 juillet 2007 - 1180 mots

Avec « Plein soleil », les centres d’art de france se mettent à l’heure d’été. Du nord au sud, d’est en ouest, une sélection de leurs expositions, pour tous les goûts.

Dix-neuf régions, trente-deux départements et trente-sept centres d’art… quel que soit l’endroit où ses pas le méneront, qu’il vente, qu’il grêle ou qu’il pleuve, l’estivant ne pourra échapper cette année encore au bonheur de l’art. À l’initiative de d.c.a., l’Association française du développement des centres d’art, un parcours « Plein soleil » l’entraîne jusqu’au 30 septembre, muni d’une carte de France, sur l’ensemble du territoire. Ce programme est l’occasion de célébrer ces lieux, les centres d’art, créés dès les années 1970, et qui depuis plus de trente ans soutiennent l’art et le produisent dans toute sa fraîcheur et sa diversité…, bref le font rayonner.
Et puisqu’il est question de soleil, commençons par les chaleureuses morsures du « Jaguar », dans le sud de la France : à travers une expérience sensorielle aux accents primaires, aux Moulins Albigeois, à Albi (Tarn), Claude Lévêque nous met entre les griffes de notre animalité. Alors qu’à Vassivière (Haute-Vienne), Cyprien Gaillard nous propulse dans son univers paysager aussi verdoyant qu’explosif au rythme de la musique de Koudlam, à l’Espace de l’Art concret, à Mouans-Sartoux (Alpes-Maritimes), « On fait le mur… » en compagnie de Valéry Grancher, Miltos Manetas, Samon Takahashi ou Anne-Marie Jugnet & Alain Clairet – les questions de territoire, de flux et de frontière y sont interrogées à travers le multimédia. À Sète, au CRAC Languedoc-Roussillon (Hérault), à la croisée de l’occitan, du français et du catalan, les artistes évoquent langues, pratiques et rituels : « On dirait le Sud… » prévient le titre ! Le Parvis célèbre la Méditerranée. Tandis qu’à Ibos (Hautes-Pyrénées) les peintures de Djamel Tatah font preuve d’une étonnante neutralité, à Pau (Pyrénées-Atlantiques), les vidéos de la Franco-Algérienne Zineb Sedira explorent les relations mère-fille et rendent palpables les chocs de culture entre Orient et Occident. À la Villa Arson, à Nice, Saverio Lucariello malmène, lui, avec humour la posture de l’artiste, pendant que Julien Bouillon recycle l’histoire de l’art dans ses peintures.

L’intime, de Meymac à Delme
Ironie ou hommage ? Au Magasin à Grenoble, le Britannique Gavin Turk puise également dans le monde des citations et mêle avec talent des œuvres d’art connues à son propre univers théâtral fait de figurines de cire, d’autoportraits ou d’automates. À Meymac (Corrèze), à l’abbaye Saint-André, c’est une interrogation sur soi à travers l’autoportrait et l’intime que propose l’exposition collective « Je est il ? Je sont ils ? », où sont conviés notamment Anri Sala, Laurent Montaron, Maria Marshall ou Pascal Lièvre. À Toulouse, alors que la ligne B du métro, ponctuée de commandes artistiques, vient d’être inaugurée, un détour par Les Abattoirs permet de découvrir une série de connexions artistiques. Parmi les invités : Olivier Mosset, Bernar Venet, Pierrick Sorin ou Roman Opalka.
Entre chorégraphie et mobilier, l’artiste et producteur de gestes Éric Madeleine présente ses « Actions d’ameublement » au centre d’art Le Lait de Castres (Tarn). Il est question de mobilier encore à Villeurbanne (Rhône) où Joe Scanlan présente, entre bricolage et recyclage, ses sculptures et installations prônant le « Do it Yourself »… À l’Institut d’art contemporain toujours, Laurent Grasso implique le visiteur dans ses images étrangement spectrales et ses visions de l’Au-delà. Au Creux de l’Enfer, à Thiers (Puy-de-Dôme), où l’on s’attend toujours à des œuvres à caractère sulfureux, Marc Desgrandchamps déroule mer, plage, oiseaux et ciel azuré dans ses peintures qui oscillent entre naïf et grotesque.
Mais il n’y a pas que dans le Sud qu’on a le sang chaud, loin de là ! D’origine irlandaise, Malachi Farrell superpose l’imagerie de la guerre et de la violence à celle du monde contemporain. À Tours, au CCC (Centre de création contemporaine), ses œuvres mécaniques se déclenchent inopinément pour cracher leurs diverses revendications.
Tout aussi engagée sur le plan politico-social, au Grand Café à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), la Mexicaine Minerva Cuervas distribue des bouteilles d’eau étiquetées « Égalité », rappelant l’iniquité du partage de l’eau potable à l’échelle planétaire. À l’étage, Los Carpinteros proposent des « Piscines ». À la chapelle du Genêteil, à Château-Gontier (Mayenne), près d’Angers, les artistes se sont associés pour créer une œuvre commune. Sur une idée de Michel François, ils ont occupé l’invivable Casa Gomis près de Barcelone, et se sont laissés inspirer par cet édifice datant des années 1950 encastré entre la mer et la banlieue. Au Quartier à Quimper (Finistère), Éric Hattan, Marie-Josée Laframboise, Nicolas Floch’ et Sergio Prego proposent leurs œuvres « In situ ».
Un crocodile, un âne et autres bestioles… : avec humour, l’Italienne Paola Pivi nous livre son bestiaire aux accents surréaliste à Rennes (Ille-et-Vilaine), à La Criée. À deux pas de Nevers, dans le parc Saint-Léger, le centre d’art de Pougues-les-Eaux (Nièvre) qui jouxte un casino, a l’esprit festif. « Le syndrome de Broadway » réconcilie design et avant-garde et s’inspire de l’émerveillement de Mondrian en 1942 face aux lignes pures de Manhattan. À Dijon au Consortium, les figurines intimistes et à échelle réduite de l’artiste britannique Don Brown se découpent blanc sur blanc dans l’espace. Plus intimistes encore, avec « Summer’s Song », à la Synagogue de Delme (Moselle), les œuvres de Marc Camille Chaimowicz jouent avec le modèle du papier peint, le désuet de ses motifs…

En Île-de-France aussi
Quant à ceux qui passeront l’été en Île-de-France, ils pourront découvrir des sites artistiques cachés ou faire le tour des centres d’art les plus connus en toute quiétude. C’est le moment de se rendre à Noisy-le-Sec (Seine-Saint-Denis) pour contempler les aurores boréales, les atmosphères cosmiques et autres horizons célestes d’Evariste Richer. Ou bien d’appréhender des visions nouvelles de l’urbain. Au centre d’art de Brétigny-sur-Orge (Essonne), le « Projet Phalanstère » réunit le duo de performeurs Prinz et Gholam autour de la notion d’architecture, alors qu’à Chatou (Yvelines), au Cneai, Yona Friedman donne quelques clés en matière d’architecture et indique la voie à suivre pour bâtir soi-même. Au domaine de Chamarande (Essonne), il est question dans « Urban Connections » de la ville, de territoires partagés, mais aussi, avec « L’Esprit des lieux » –des interventions dispersées dans le parc et au sein du château –, de paysages. Alors qu’au Palais de Tokyo, à Paris, Steven Parrino nous rappelle que l’esprit du rock est totalement urbain, au Plateau/FRAC Île-de-France, Nicole Eisenman réinterprète la peinture héroïque via des scènes de bataille actuelle. Enfin, le visiteur du Jeu de paume, site hôtel de Sully, est transporté ailleurs : les Boyadjian, famille de photographes officiels de Négus, nous invite à la cour de ce roi éthiopien du début du XXe siècle.
Où que l’on se trouve, à la montagne ou au bord de la mer, à la campagne ou en ville, il n’y a décidément pas de quoi s’ennuyer cet été dans les temples de la création.

Retrouvez toute la programmation de Plein soleil ; l’été des centres d’art en France sur www.dca-art.com. L’association a également publié une brochure répertoriant l’intégralité des centres d’art et leurs renseignements pratiques.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°263 du 6 juillet 2007, avec le titre suivant : Sous le soleil

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