Robert Rubin : « Il ne s’agissait pas de recycler des idées reçues »

Historien de l’architecture, est commissaire de « La France d’Avedon », présentée à la BNF

Par Christine Coste · Le Journal des Arts

Le 27 septembre 2016 - 846 mots

Après l’exposition « Richard Prince. American Prayer », présentée à la Bibliothèque nationale de France (BNF) en 2011, l’historien de l’architecture et collectionneur américain Robert Rubin, ex-président de la Centre Pompidou Foundation (2006-2012), revient à la BNF avec « La France d’Avedon. Vieux monde, New Look », qu’il cosigne avec Marianne Le Galliard (à voir à partir du 18 octobre). Il détaille les raisons de cette exposition en France.

Pourquoi avoir proposé une exposition « Richard Avedon » à la BNF ?
À la suite de « Richard Prince. American Prayer », la famille de Richard Avedon m’a proposé d’écrire sur les relations entre Avedon et Allen Ginsberg. Je me suis plongé dans le projet. Je suis un ami du fils d’Avedon depuis cinquante ans, j’ai observé de loin la carrière de son père. L’idée des liens entretenus par Avedon avec la France est venue au cours de ces recherches.

Des recherches qui auraient pu déboucher sur une exposition présentée d’abord aux États-Unis…
Le texte qui en a résulté a été justement publié dans le catalogue d’une exposition de la Gagosian Gallery de New York sur les grands formats d’Avedon [« Richard Avedon, murals & portraits », 4 mai-27 juin 2012]. Monter un projet sur Avedon est un « big deal ». Avedon est très commercial, et la fondation est extrêmement sollicitée. Il ne s’agissait pas de recycler des idées reçues sur l’œuvre mais d’apporter un autre éclairage. Pour pouvoir commencer aux États-Unis, notre exposition aurait dû être plus « mainstream », comporter plus d’images phares. De la même manière, il aurait très difficile de monter « American Prayer », car dès que vous arrivez avec un projet sur Richard Prince, les institutions américaines veulent un blockbuster.

Nous avons la possibilité de faire circuler « La France d’Avedon » pendant cinq ans. Aussi, au lieu d’essayer de convaincre des gens que cette exposition va être formidable, je préfère qu’elle soit vue durant la Fiac [Foire internationale d’art contemporain] et Paris Photo. La vie m’a appris que les gens manquent souvent d’imagination.

Avez-vous évoqué « La France d’Avedon » avec Quentin Bajac, qui dirige le département photo du MoMA de New York ?
Oui. C’est d’ailleurs lui qui m’a présenté Marianne Le Galliard qui préparait alors un doctorat sur Jacques-Henri Lartigue et Avedon. L’arrivée de Quentin Bajac au MoMA a fait le plus grand bien au département photo, un peu crispé par l’héritage archimoderniste de Szarkowski [John Szarkowski, conservateur pour la photographie au MoMA de 1962 à 1991].

Pourquoi avoir proposé « La France d’Avedon » à la BNF et pas à une autre institution parisienne ?
Parce que la BNF est une institution pluridisciplinaire consacrée à la culture au sens large. Et, par ses collections, elle est en France le premier musée du livre et de la photographie. Avedon, qui était très focalisé sur les livres photo, aurait aimé cette idée.

Ne la doit-on pas aussi à vos liens avec Bruno Racine alors président  du Centre Pompidou ?
Effectivement. L’expérience de l’exposition « Richard Prince » a tellement été bien vécue des trois côtés, c’est-à-dire par l’artiste, le commissaire et l’institution, que l’on était partant pour un
deuxième projet dans la ligne que Bruno Racine [président de la BNF du 2 avril 2007 au 1er avril 2016] a construite avec Richard Prince, Matthew Barney et Anselm Kiefer.

Quelles sont vos relations avec les autres institutions parisiennes, en particulier le Centre Pompidou ? Rappelons que vous avez démissionné de la présidence du Centre Pompidou Foundation en 2012 après des divergences avec Alain Seban…

J’entretiens de très bonnes relations avec Fabrice Hergott [directeur du Musée d’art moderne de la Ville de Paris] et avec Bernard Blistène [directeur du Musée national d’art moderne, Mnam]. Je n’ai aucun projet avec leurs institutions mais je poursuis mes donations et mes prêts. Je suis impliqué dans « Pierre Chareau » qui ouvre début novembre à New York au Jewish Museum et dont le Mnam est le prêteur principal, et je viens de donner à la Fondation Pierre Bergé-Yves Saint-Laurent une collection d’une cinquantaine d’objets pour la maison Jean-Cocteau à Milly-la-Forêt.

Avez-vous gardé des liens avec le Centre Pompidou Foundation ?
Aucun. Je suis davantage intéressé aujourd’hui, relativement à un projet, par les relations directes avec les conservateurs et les musées que par ce qui peut me lier à une seule institution. D’une façon générale, j’en ai assez de solliciter de l’argent. Je suis trop franc pour évoluer dans ce milieu. Pour l’instant mon prochain projet concerne Calder et l’architecture, j’ai écrit un texte sur son studio en France dans [le numéro 1, 2015, de] Cahiers d’Art [la revue éditée par le Mnam].

Quel regard portez-vous sur l’action du nouveau président du Centre, Serge Lasvignes ?
Je ne l’ai pas encore rencontré. De toute façon, c’est Bernard Blistène qui compte pour moi. Les collectionneurs, qui sont des mécènes potentiels, sont plus intéressés par les professionnels du milieu de l’art qui montrent des qualités de leadership que par les fonctionnaires. Bien sûr, cela peut recouvrir les deux aspects comme pour Bruno Racine, mais ce n’est pas forcément toujours le cas.

La France d’Avedon, Vieux Monde, New Look

18 octobre 2016-26 février 2017, BNF, site François-Mitterrand, Galerie 2, avenue de France, 75013 Paris, tlj sauf lundi, du mardi au samedi 10h-19h, dimanche 13h-19h, entrée 9 €.

Consulter la biographie de Robert Rubin

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°464 du 30 septembre 2016, avec le titre suivant : Robert Rubin : « Il ne s’agissait pas de recycler des idées reçues »

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