Justice

Richard Prince poursuivi

Le Journal des Arts

Le 15 avril 2009 - 595 mots

Le photographe Patrick Cariou attaque en justice l’artiste américain et son marchand Larry Gagosian.

NEW YORK - Le photographe français Patrick Cariou a déposé une plainte pour violation du droit d’auteur à l’encontre de l’artiste américain Richard Prince et de son marchand new-yorkais Larry Gagosian. Les deux hommes sont poursuivis pour usage non autorisé d’images issues de Yes Rasta (2000), un ouvrage ethnographique sur la culture rastafari constitué par Patrick Cariou après une dizaine d’années de recherches en Jamaïque. Selon les avocats de Prince et Gagosian, l’appropriation par Prince des portraits de Rastafaris dans une série récente de tableaux (présentés chez Gagosian, à la fin 2008, sous le titre « Canal Zone ») relève de la doctrine américaine du « fair use » (droit de citation). Également citée dans la plainte, la maison d’édition new-yorkaise Rizzoli, coproductrice du catalogue de « Canal Zone », a nié toute responsabilité quant à la diffusion de l’ouvrage et réclame compensation.
Cariou souhaite obtenir des dommages et intérêts pour un montant non précisé, ainsi que « la saisie, la destruction ou autre disposition » des vingt-deux pièces de la série – laquelle combine les images rastafari avec des éléments pornographiques et un travail expressionniste de la touche picturale – et de tous les catalogues invendus et matériaux préparatoires. Selon les avocats de Gagosian, « les œuvres protégées de Cariou sont fondées sur des faits car elles sont des photographies réalistes de Rastafaris dans leur cadre de vie, alors que les œuvres de Prince utilisent des portions minimes de ces photographies, en plus d’autres images et d’autres médias, pour créer une œuvre nouvelle et unique qui commente certains aspects de la culture. » De son côté, Prince, célèbre pour ses appropriations d’images d’autres artistes dans son travail, avance que les photographies de Yes Rasta ne sont pas « d’une grande originalité » ou « distinctes par nature », et que les utilisations « transformatrices » de ces photographies ont été « faites en toute bonne foi et reflètent ses pratiques artistiques établies ». Enfin, cette appropriation « n’affecte en rien la valeur de telles photographies et toute valeur commerciale liée à ces photographies en a été […] multipliée et non pas dépréciée ».

Arrangement à l’amiable
Prince a déjà été poursuivi dans les années 1980 pour violation du droit d’auteur ; déposée par le photographe Garry Gross, la plainte aurait été réglée à l’amiable. Basé à Paris, Cariou s’est insurgé contre l’idée que Prince n’a utilisé qu’une portion négligeable de ses photographies : « Selon mon avocat […], cette affaire va bien au-delà du droit de citation. Ils ont utilisé trente de mes photos. Si vous avez eu l’occasion de voir le catalogue de “Canal Zone”, il débute avec Rasta, s’achève sur Rasta – c’est sans conteste le cœur du sujet. » La plainte n’en serait qu’à sa première phase, durant laquelle l’avocat de Cariou va tenter d’établir les revenus obtenus par l’artiste et son galeriste grâce aux pièces. D’après les documents fournis par Gagosian à la justice, huit tableaux ont été vendus, valant entre 1,5 et 3 million(s) chacun selon le photographe. Ce dernier qualifie d’« extrêmement arrogante » la réponse des accusés, en particulier le passage critiquant son œuvre. « J’ai ri. Je pourrais être un très mauvais photographe, mais dans ce cas, pourquoi avoir utilisé trente de mes photographies ? ». Une « proposition d’arrangement à l’amiable » lui aurait été faite, qu’il serait prêt en prendre en considération à condition que le montant soit « équitable ». « Mais on parle gros sous », a précisé Cariou.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°301 du 17 avril 2009, avec le titre suivant : Richard Prince poursuivi

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