Restitutions de guerre, la Russie persiste et signe

Par Le Journal des Arts · Le Journal des Arts

Le 24 avril 1998 - 482 mots

La loi russe, déclarant « propriétés russes » les « trophées » de l’Armée rouge, a été promulguée par le président Boris Eltsine. Il s’est ainsi plié à la décision de la Cour constitutionnelle, mais a aussitôt saisi cette juridiction sur la conformité du texte à la législation russe et aux traités internationaux signés par Moscou. Plusieurs pays européens concernés, et plus particulièrement l’Allemagne, ont manifesté leur inquiétude.

MOSCOU - Le 15 avril, le président russe Boris Eltsine a finalement promulgué la loi nationalisant les biens culturels saisis à titre de compensation par l’Armée rouge, à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il a attendu le terme du délai légal pour se soumettre à la décision rendue par la Cour constitutionnelle de Russie le 6 avril. Les juges avaient rappelé que le chef de l’État était tenu de signer les lois adoptées par le Parlement. Boris Eltsine a aussitôt déposé un recours, dans lequel il demande aux juges constitutionnels d’annuler “plusieurs dispositions de la loi, [qui] non seulement ne correspondent pas à la Constitution de la Russie, mais la violent directement, ainsi que les engagements internationaux de la Russie”. Il souhaite également qu’ils se prononcent sur “la façon dont a été adoptée la loi”, entachée selon lui d’irrégularités. Boris Eltsine estime qu’elle “a été votée par une salle à moitié vide et que les résultats du vote ont été tout simplement falsifiés”, a indiqué le représentant présidentiel à la Cour constitutionnelle, Sergueï Cha­khraï. Selon la législation russe, la Cour dispose de six mois pour se prononcer sur cette saisine. En attendant, la loi reste en vigueur, mais, en raison de son inconstitutionnalité manifeste, “ses dispositions ne pourront être appliquées ni par les pouvoirs exécutif ou judiciaire russes, ni par un quelconque responsable officiel, ni par un simple citoyen”, a-t-il expliqué.

Premier concerné par la question des “trophées”, le gouvernement allemand a réagi par la voix de son porte-parole, qui a déclaré que “la loi contrevient selon nous au droit international et aux obligations de la Russie en matière de droit international”. La Hongrie avait riposté avec véhémence à l’annonce de la décision de la Cour : “Nous rejetons cette loi”, avait affirmé Ivan Rona, directeur du département de l’Héritage culturel au ministère de la Culture.

La loi du 4 avril 1997, qui vient d’être promulguée, avait été votée sous la pression des milieux nationalistes et des anciens communistes. Elle dispose que les “trophées” sont la propriété de la Fédération de Russie, tant que “les États agresseurs ne sont pas en mesure de restituer à la Russie les objets saisis pendant le conflit”. Depuis 1991, Bonn s’efforce de négocier la restitution du fabuleux trésor de guerre composé d’au moins 200 000 œuvres d’art, dont le fameux “trésor de Priam”, deux millions de livres rares et trois kilomètres d’archives, tandis que la Hongrie estime avoir été dépossédée de quelque 60 000 objets d’art.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°59 du 24 avril 1998, avec le titre suivant : Restitutions de guerre, la Russie persiste et signe

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