Régis Durand, en toute sérénité

Par Bénédicte Ramade · L'ŒIL

Le 1 mars 2003 - 657 mots

Directeur du Centre national de la photographie depuis 1996, ce spécialiste des questions photographiques a appris le 29 octobre dernier, au détour d’une allocution donnée par le ministre de la Culture Jean-Jacques Aillagon, au sujet de la stratégie immobilière de son ministère, la dissolution de sa dynamique institution. « Pour la photographie, c’est la dispersion, l’éclatement, le manque de visibilité et de cohérence. Le Centre national de la photographie est locataire d’un bâtiment rue Berryer, dont la localisation est insuffisamment attractive. [...] L’État n’a pas, à travers un lieu dédié, de politique affirmée dans le domaine de l’image photographique et vidéo », a déclaré ce jour-là le ministre au milieu de mesures drastiques. Accompagné sur le bûcher des raisons budgétaires par l’annonce du démantèlement du musée du Jeu de Paume et du Patrimoine photographique installé à l’hôtel de Sully (conjointement sanctionnés pour leur programmation peu en accord avec la mission initiale attribuée), le CNP, du haut de ses vingt ans, célèbre donc son ultime anniversaire et accueille la nouvelle avec philosophie. Attentif aux vœux du ministre qui souhaite « un équipement culturel de référence dans le domaine de l'image, permettant de rapprocher patrimoine et création contemporaine [...] un nouvel espace qui permet à la fois de montrer la photographie ancienne et les expressions les plus récentes qui, de la vidéo au multimédia, témoignent des mutations de l'image », Régis Durand s’est mis immédiatement à plancher, car pour lui « les idées ne manquent pas, [il fait] des propositions dans ce sens ». Depuis plusieurs années déjà, il a compris l’intérêt et même le devoir de penser la photographie sur le plan de l’image davantage que dans le domaine de la spécialisation à outrance. Sa programmation a d’ailleurs toujours fait la part belle aux artistes non photographes, à cette photographie dite plasticienne – le mot le fait bondir, « c’est un terme que je n’ai jamais utilisé, un terme vide, une catégorie imaginaire pour moi » – qui offre à la photographie un champ de possibles encore plus stimulant, et aux rencontres transversales comme celle de « Sans commune mesure » à l’automne 2002, effectuée en coopération avec le musée d’Art moderne et contemporain de Villeneuve d’Ascq et le centre du Fresnoy.
Du reste, le public ne s’y est pas trompé et a suivi le Centre dans sa programmation plutôt monographique, réputée parfois difficile, de Mariko Mori, Sam Taylor-Wood, Straub & Huillet, Vik Muniz, ou dernièrement Franck Scurti et Martine Aballéa. Avec ironie, ces deux récentes expositions ont démontré, s’il le fallait encore, combien le CNP était prêt à opérer une éventuelle mutation en centre pour l’image car l’image y était reine, désintéressée de tout clivage entre photographie et vidéo. « Simplement, je pense qu’aujourd’hui, en 2003, vivant comme on dit dans un monde d’images, de production d’images très diversifiées, dans lequel la photographie n’est plus qu’une des sources d’images, on peut regarder la photographie autrement. Cela ne veut pas dire qu’on l’ignore ou qu’on la dévalorise. Il faut regarder la façon dont aujourd’hui elle interagit avec la vidéo, les images numériques, avec le cinéma. »
Ceux qui pourraient penser que Régis Durand navigue dans le sens du vent doivent rapidement réviser leur jugement, le CNP marchait depuis longtemps déjà de la photographie vers l’image, conscient de la perméabilité de ce médium aux mutations sociales et artistiques du XXe siècle. Il faudra donc compter sur les propositions de cet homme qui, loin d’être abattu par la décision ministérielle, déborde de propositions, comme galvanisé par la difficulté d’un tel projet.
Les prérogatives officielles ne sont pas encore clairement définies, extrêmement ouvertes, les délais sont courts (ouverture prévue au premier semestre 2004) et le budget encore imprécis. Qu’importe, Régis Durand est lancé. S’il n’abandonne pas pour autant le CNP qu’il continue de faire exister avec passion (la programmation est fixée jusqu’en février 2004, date de la fermeture présumée), il sait que désormais son avenir est ailleurs. Reste à savoir où.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°545 du 1 mars 2003, avec le titre suivant : Régis Durand, en toute sérénité

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