JUSTICE

Rebondissement judiciaire dans l’affaire Wildenstein

Par Marion Krauze · Le Journal des Arts

Le 13 mars 2024 - 631 mots

Relaxés à deux reprises, les héritiers Wildenstein sont finalement condamnés par la justice française.
Paris. La cour d’appel de Paris a condamné les héritiers de la famille de marchands d’art Wildenstein pour une fraude fiscale de plusieurs centaines de millions d’euros. Le 5 mars, Guy Wildenstein (78 ans) s’est vu infliger quatre ans d’emprisonnement, dont deux ans ferme sous bracelet électronique, ainsi qu’un million d’euros d’amende. Son neveu Alec junior (43 ans) est condamné à deux ans et demi de prison avec sursis et 37 500 euros d’amende. Liouba Stoupakova (50 ans), la veuve d’Alec senior Wildenstein, a pour sa part écopé de trois mois de prison avec sursis pour complicité de blanchiment. Des peines allant d’un an de prison avec sursis à dix-huit mois ferme et des amendes comprises entre 37 500 et 100 000 euros ont également été prononcées à l’encontre de deux avocats et un notaire, complices de l’escroquerie.

« Les puissants ne peuvent échapper à la loi », a déclaré la juge, en rendant sa décision. Une conclusion provisoire qui fait suite à de nombreuses années de procédures judiciaires. Le procès a débuté en janvier 2015 et les prévenus ont bénéficié d’une première relaxe générale prononcée par le tribunal correctionnel de Paris en 2017, puis d’une deuxième par la cour d’appel de Paris en 2018. En janvier 2021, la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel et ordonne un nouveau procès, qui s’est ouvert le 18 septembre 2023.

Guy Wildenstein est accusé d’avoir dissimulé une immense partie du patrimoine familial dans des trusts, des sociétés fiduciaires anglo-saxonnes. Ces trusts étaient hébergés dans des paradis fiscaux et abritaient notamment un ranch au Kenya, des sociétés de chevaux de course, des propriétés immobilières à New York, mais aussi des tableaux de maîtres (dont des Bonnard, Fragonard et Caravage) évalués à un milliard d’euros. La cour d’appel précise que Guy Wildenstein n’a pas « mis en place » ces trusts qui ont été « créés par son père et son grand-père », mais qu’il en a « pleinement bénéficié » et a « sciemment minoré la déclaration de succession ». Alec junior est lui aussi reconnu coupable d’avoir dissimulé l’existence de ces actifs.
À l’origine de l’affaire : Sylvia Roth
L’affaire remonte à 2001 avec le décès du patriarche Daniel Wildenstein (1917-2001), célèbre marchand d’art français. Ses deux fils Alec senior (né en 1940) et Guy (né en 1945) font alors signer à sa seconde épouse Sylvia Roth (née en 1933) une renonciation à l’héritage en échange du versement d’une rente annuelle. Mais Sylvia Roth estime avoir été flouée et affirme qu’ils lui auraient fait croire que son défunt mari était ruiné et qu’elle ne pourrait faire face aux 10,5 millions d’euros de frais de succession qui l’attendaient si elle acceptait sa part d’héritage. Elle leur intente donc un procès en mars 2004 et la justice civile la réintègre dans la succession en janvier 2005.

La situation prend un tout autre tournant en 2009 lorsque Sylvia Roth porte à nouveau plainte contre Guy et Alec senior Wildenstein (décédé en 2008), les accusant cette fois-ci de fraude fiscale. Si ce dépôt de plainte n’aboutit pas, une enquête préliminaire est ouverte en octobre 2010, un mois seulement avant que Sylvia Roth ne décède.

En février 2012 est notifié un premier redressement fiscal aux héritiers Wildenstein. Le fisc réévalue le montant de la succession et leur réclame 600 millions d’euros (pénalités non comprises), dont 250 millions à Guy Wildenstein. Ce dernier conteste la décision et un nouveau redressement de 550 millions d’euros leur sera imposé fin 2014. Des procédures civiles concernant ces redressements sont encore en cours. En parallèle, la justice commence son instruction, considérant que la fraude relève également du pénal. Le procès contre Guy, Alec junior Wildenstein et Liouba Stoupakova, son épouse, s’ouvre alors devant le tribunal correctionnel de Paris en janvier 2015.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°629 du 15 mars 2024, avec le titre suivant : Rebondissement judiciaire dans l’affaire Wildenstein

Tous les articles dans Actualités

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque