Numérique

Questions d’actu : Pierre-Yves Lochon

Par Isabelle Manca · L'ŒIL

Le 24 juin 2013 - 658 mots

En France, les musées font leur mue numérique. Communication, médiation, fidélisation… constituent des enjeux forts pour les institutions qui possèdent des atouts considérables. Entretien avec le fondateur de Clic France.

L’œil : Vous observez la pénétration du numérique dans les musées depuis cinq ans, dans quelle mesure ces nouvelles pratiques ont-elles modifié le paysage muséal français ?
P.-Y. L. :
Le numérique a profondément transformé les pratiques culturelles en matière de musique, de cinéma, de télévision et de livre. Au point de mettre en danger certaines de ces industries. Ce n’est pas le cas du musée, car l’œuvre d’art et la relation à celle-ci ne pourront jamais être remplacées. En revanche, la révolution numérique oblige le musée à adapter sa communication, l’accueil et la fidélisation de ses publics, sa médiation culturelle, ses métiers et son organisation.

Quelles sont les grandes tendances ?
Sous l’effet de pratiques numériques, les institutions muséales doivent faire face à trois enjeux : la communauté, la mobilité et la virtualité. La pratique quasi généralisée des jeux vidéo a déjà une influence sur les types de contenus (3D, réalité virtuelle ou augmentée) et sur l’écriture (la « gamification ») des musées dans leur médiation et leur communication. Elle accélère notamment le développement des écrans tactiles ou des modélisations 3D, des visites virtuelles et autres contenus immersifs utilisés dans le musée ou sur son site Web. En outre, sous l’influence des réseaux sociaux et des pratiques communautaires, les musées doivent faire évoluer leurs pratiques en matière de communication, et inventer de nouvelles formes de relation avec leurs visiteurs réels et virtuels. Cela les conduit même à impliquer leur public dans la production de contenus ou le financement de projets. Par ailleurs, le déploiement des outils mobiles a déjà produit des effets sur la communication, mais aussi sur l’évolution des audioguides et autres outils de médiation, aujourd’hui de plus en plus complétés, voire remplacés, par des Smartphones ou des tablettes.

Quels domaines mériteraient d’être améliorés ?
La France dispose d’atouts considérables en matière de musées numériques : un maillage muséal parmi les plus denses au monde, des entreprises innovantes intéressées par le monde de la culture, des formations universitaires spécialisées, des collectivités territoriales motivées et une nouvelle génération de professionnels réceptive. Les musées français ont ainsi été les premiers à proposer des applications mobiles sur Smartphone ou à offrir à leur public des modélisations 3D. Cette innovation française en matière culturelle peut survivre à la concurrence, notamment anglo-saxonne, à plusieurs conditions. Tout d’abord, les lieux culturels français doivent intensifier leur coopération, mutualiser leurs expériences et partager leurs bonnes pratiques. Il faudrait également que les ministères de la Culture et de l’Éducation, associés aux musées, mettent l’accent sur la création de nouveaux contenus et services numériques ludo-éducatifs culturels. Enfin, un effort particulier doit être porté sur la recherche et les études de comportement des publics, afin de démontrer que le numérique ne cannibalise pas la visite au musée et de prouver que le visiteur virtuel est un futur visiteur réel ! Bien avant l’arrivée du numérique, Alphonse de Lamartine écrivait : « Je suis las des musées, cimetières des arts. » Plus que jamais, le bon usage des technologies numériques permettra de rendre les musées encore plus attractifs, de rajeunir leur image et de les ouvrir à de nouveaux publics. Cela permettra également à la France de rester « le » pays des musées dans le nouveau monde numérique.

Le Clic
Créé en 2008, le Clic, Club innovation & culture France, est une plate-forme de coopération qui réunit plus de 50 musées et collectivités.

261
C’est le nombre de collections actuellement accessibles sur Google Art Project.

« Un musée virtuel qui n’est pas une simple copie numérique de la visite physique, mais la création, grâce au Web sémantique, d’un nouvel espace public muséal innovant pour les internautes. »
Aurélie Filippetti à propos du Centre Pompidou virtuel, Forum d’Avignon, novembre 2012.

Repères

Pierre-Yves Lochon est consultant et le fondateur de Clic France.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°659 du 1 juillet 2013, avec le titre suivant : Questions d’actu : Pierre-Yves Lochon

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