Philippe Marin, propos de fabricant

Par Vincent Delaury · L'ŒIL

Le 16 janvier 2017 - 483 mots

En 2017, la maison Marin beaux-arts, installée au 70 avenue Gabriel Péri à Arcueil, fabrique de matériel pour artistes peintres, fête ses soixante-dix ans d’existence.

 Y-a-t-il des secrets de peintres que vous pouvez révéler ? 
Je ne divulgue pas les secrets des peintres.

Même ceux des peintres disparus ? 
Oui, je m’y refuse. Avec mon père Antoine, qui a fondé la maison en 1947 et qui est mort en 1995, on a toujours voulu mettre le peintre au centre de notre activité. En termes de châssis, de toiles, de pigments et de médiums, nous répondons souvent à des demandes spécifiques d’artistes, aussi notre production est petite et limitée, ce qui nous rend d’autant plus libres et inventifs. Loin de n’être que de simples distributeurs, nous sommes avant tout des fabricants et, j’insiste, nous ne sommes que des artisans au service des artistes peintres. Mon père disait, à raison, « Marin, c’est le châssissier » ! De la sorte, chacun reste à sa place, et c’est très bien ainsi.

En fait, notre secret, c’est ce lien d’amitié fort avec les peintres et nous tenons à le préserver, car c’est très précieux, ils nous font confiance. Pour autant, je peux vous faire deux confidences. On a fabriqué pour un célèbre artiste italien de la seconde moitié du XXe siècle un chevalet mural, sur mesure, qui avait le mérite, du fait qu’il inclinait la toile de manière oblique vers le peintre, d’être antigouttes et antireflets. De plus, un système de sabot, situé sur la partie haute de fixation du chevalet, coulissait naturellement sur la tige pour bloquer la toile dès que l’artiste la posait sans avoir besoin de régler le tableau avec ses mains. En outre, on lui avait construit une double tablette pour qu’il puisse ranger facilement ses pinceaux. Autre exemple, on a mis au point, avec l’artiste lui-même, le fameux bleu Monory, qu’on commercialise désormais en pots et en tubes. Cette couleur extrafine à l’huile, bleue comme ses tableaux, est composée d’aluminosilicate de sodium, de phtalocyanine de cuivre, de phtalocyanine chlorée et d’huile de lin.

Sépànd Danesh

Les tableaux très construits du jeune peintre franco-iranien Sépànd Danesh, formé dans l’atelier de Philippe Cognée aux Beaux-Arts de Paris, relèvent d’une succession d’étapes précises. Pour élaborer ses architectures métaphysiques peintes avec méticulosité, fusionnant aussi bien des réminiscences de tableaux de Giotto, Chirico et Hopper que des souvenirs personnels, l’artiste réalise d’abord, dans son atelier ou dans la rue, de petits dessins mi-abstraits, mi-figuratifs et c’est à partir de cette « Encyclopédie de l’imagination » qu’il en tire des structures recomposées sur ordinateur à l’aide d’un logiciel 3D lui permettant de multiplier à l’envi axes et lignes de fuite. À l’arrivée, si cette peinture tirée au cordeau parvient à si bien rendre l’effet de bascule entre réel et irréel, c’est parce que ce plasticien passe par la case numérique du polydimensionnel lui permettant de façonner un entre-deux envoûtant.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°698 du 1 février 2017, avec le titre suivant : Philippe Marin, propos de fabricant

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