Art et communication

Peintures à l’affiche

Le Journal des Arts

Le 19 mars 1999 - 617 mots

Quoi de plus normal qu’un afficheur qui affiche ? C’est son métier, 365 jours par an, et il n’y a là rien qui vaille la moindre attention particulière ou la plus petite ligne. Sauf quand ce fait, parfaitement banal, prend une tournure d’exception, comme aujourd’hui avec l’opération montée par l’afficheur Dauphin et le peintre Jean-Pierre Formica.

Très impliqué dans le domaine du design et de l’art contemporain, le groupe Dauphin n’en est pas à son galop d’essai en matière de mécénat. En 1996, Jean-Charles de Castelbajac avait imaginé “l’habillage” – inauguré dans le cadre de la Fiac – de leurs panneaux d’affichage. Création qui reste désormais le signe distinctif de Dauphin à travers la France. Ce dernier a, en outre, confié sa récente gamme de mobiliers d’affichage à des designers tels que Paolo Pininfarina en Italie, Wladimir Wauquiez en France et Jean-Yves Delitte en Belgique. Parallèlement, depuis trois ans, Dauphin affiche et parraine de nombreuses expositions, notamment celles de la Galerie nationale du Jeu de Paume et du Musée d’art moderne, à Paris. Ces affiches, supports d’information à la manifestation, sont parfois accompagnées d’œuvres personnelles, comme ce fut le cas pour Félix Gonzales Torres, Jean-Michel Alberola ou encore Arman et Bolstanski.

La démarche entreprise avec Jean-Pierre Formica est différente et totalement novatrice à plus d’un titre : elle n’est pas directement reliée à une exposition, et sa réalisation elle-même est un phénomène. Au départ, il n’était question que de reproduire un agrandissement d’une toile de l’artiste et de choisir un endroit où l’afficher. Trois emplacements sur la place de l’Alma sont préconisés. Très vite, au fil de ses recherches, Jean-Pierre Formica s’aperçoit qu’il doit s’orienter vers un travail personnalisé, en adéquation avec la taille et l’emplacement du support. Par ailleurs, la place de l’Alma est en réalité occupée non pas par trois, mais par cinq espaces publicitaires. Alors, pourquoi faire petit ce qui est destiné à être grand et donc faire les choses à moitié ? Jean-Pierre Formica se prend au jeu. Emporté par le feu de l’action, il va réaliser dans son atelier cinq peintures originales à l’acrylique au format des panneaux 4 x 3 m. Cinq créations de 12 m2 qui jouent avec le volume et la couleur et qui intègrent la nature dans le paysage urbain. Trois semaines de labeur pour trois petits jours d’occupation des lieux, les 10, 11 et 12 mars.

Autodestruction des œuvres
“J’ai voulu que ce travail, à mi-chemin entre la peinture et le volume, soit le reflet de ma confrontation avec mes propres peintures. Chaque élément a son propre imaginaire. J’ai tenu à apporter un maximum de vérité, à juxtaposer deux mondes, en faisant une démarche parallèle à la publicité. Il ne s’agissait pas de représenter mes œuvres, mais c’est une façon de les mettre en démonstration et c’est pour moi un enrichissement personnel”, explique l’artiste, qui n’a rien d’autre à gagner dans l’histoire. Pas le moindre sou, pas de notoriété clinquante car la signature est inexistante, mais plutôt l’autodestruction de ses œuvres dont la récupération est impossible ; tels le yaourt, le supermarché ou autre marchand de rêves, elles seront recouvertes par quelque produit de consommation courante. Quant à Dauphin, il trouve ici, une fois encore, le moyen de promouvoir l’art contemporain, de le familiariser aux yeux du passant, et d’illustrer l’efficacité de l’affichage en soulignant l’importance de la création dans la communication.

Une initiative originale pour un résultat esthétiquement réussi, qui met un peu de chaleur dans le béton, et voilà que le zouave, lui-même, en prendrait presque un air champêtre !
Pour tous ceux qui ont raté la place de l’Alma, Jean-Pierre Formica expose actuellement à la galerie Mabel Semmier, place de Furstemberg, dans le VIe arrondisement.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°79 du 19 mars 1999, avec le titre suivant : Peintures à l’affiche

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