Œuvres récupérées : nouvelles restitutions

Par Le Journal des Arts · Le Journal des Arts

Le 18 avril 1997 - 684 mots

Après le temps de la polémique sur les œuvres d’art saisies durant l’occupation nazie, voici celui des explications et de nouvelles restitutions. Trois MNR – "Musées nationaux récupération" –, Deux femmes nues de Tsugouharu Foujita (1929), Tête de femme de Pablo Picasso (1921) et Paysage d’Albert Gleizes (1911), vont être remis à des héritiers ou des ayants droit.

PARIS - Peu avant l’ouverture des cinq expositions présentant 987 œuvres classées "MNR", les ministères de la Culture et des Affaires étrangères ont annoncé la prochaine restitution de trois tableaux actuellement accrochés au Musée national d’art moderne (Mnam/Centre Pompidou). Ceux-ci font partie des 2 058 MNR récupérés par la France au lendemain de la guerre et encore en dépôt, pour la plupart, dans les musées nationaux.

Le Foujita appartenait aux époux Schwob d’Héricourt, disparus après leur déportation. Le Picasso et le Gleizes faisaient partie de la fabuleuse collection rassemblée par Alphonse Kann (1870-1948) dans son hôtel particulier de Saint-Germain-en-Laye, saisie par les Allemands. Le Paysage de Gleizes fut retrouvé dans le dernier train affrété par les nazis en août 1944 pour expédier in extremis des œuvres d’art en Allemagne, qui fut arrêté à Aulnay-sous-Bois. Émigré à Londres, malade, Al­phon­se Kann ne s’est pas oc­cupé lui-même de la récupération de ses biens. Il confia cette mission à un fondé de pouvoir qui traita avec la Direction des Musées de France. Certains de ses héritiers affirment qu’une partie seulement a été restituée : 200 œuvres sur les 1 202 recensées par un inventaire. De leur côté, les musées affirment qu’il y a eu des dons pour les remercier de leur action. La restitution, "dans les meilleurs délais", selon le Quai d’Orsay, pourrait être plus complexe qu’il n’y paraît.

"Je ne suis pas au courant, je n’ai pas été contacté, affirme du reste Francis Warin, un petit-neveu d’Alphonse Kann, porte-parole de l’Association d’héritiers Kann, mais ce ne serait que justice, et cette restitution aurait pu se faire beaucoup plus tôt". "Elle ne sera qu’un début, car nous réclamons maintenant une série d’œuvres dispersées à travers le monde : un Rodin dans un musée danois, un grand Picasso cubiste, une dizaine de Braque, des Degas, un grand Manet, des Bonnard, des Whistler, des Delacroix, des Courbet, des Géricault, un Poussin… Je n’en dirai pas plus, car je ne veux pas que les oiseaux de proie s’effrayent et s’envolent", a-t-il déclaré au mensuel néerlandais Tableau-Fine Arts.

En présentant les expositions des MNR, Philippe Douste-Blazy a voulu calmer le jeu. Le ministre de la Culture a souligné que "contrairement à une idée reçue, les musées nationaux ne se sont jamais opposés aux restitutions" et qu’"entre 1950 et 1996, vingt-sept tableaux, un pastel, une sculpture et une stèle antique ont pu être rendus à leurs propriétaires". Il a également voulu démontrer que "la réalité était plus complexe" que ne l’avait laissé croire la polémique, et que "le terme de spoliation est en l’occurrence souvent impropre". Les recherches effectuées récemment dans les archives du Quai d’Orsay par une équipe de conservateurs – qui portent sur plus de 300 œuvres – montrent que "la majorité des œuvres de la Récupération artistique confiées à la garde des musées nationaux ont été, non pas spoliées, mais acquises sur le marché de l’art parisien pendant l’Occupation par des collectionneurs ou des musées allemands".

Réédition du Front de l’art
Au total, environ 100 000 biens culturels confisqués en France par les nazis ont été déclarés par leurs propriétaires, en grande majorité juifs, après la guerre, selon le ministère des Affaires étrangères. Quelque 60 000 de ces biens sont revenus en France, parmi lesquels 10 000 ont été déclassés et vendus par les Domaines, et 45 000 rendus à leurs propriétaires. Il en reste actuellement 2 058 à la recherche d’un propriétaire. Toujours pour contrer la polémique, la Réunion des musées nationaux réédite Le Front de l’art de Rose Valland, paru en 1960 et épuisé. Il témoigne du travail aussi méticuleux que périlleux accompli par une grande résistante à la Galerie nationale du Jeu de Paume, véritable gare de triage des œuvres saisies par les nazis (272 pages, 120 F).

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°36 du 18 avril 1997, avec le titre suivant : Œuvres récupérées : nouvelles restitutions

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