Multimédia : la culture et les jeux

Au Milia 98, le marché s’est concentré sur le ludo-éducatif et l’imagerie 3D

Par Jean-Marie Schmitt · Le Journal des Arts

Le 27 février 1998 - 815 mots

L’édition 98 du Milia (Marché international des programmes multimédia) a fermé ses portes le 11 février à Cannes. Les organisateurs avaient mis la manifestation sous le signe d’une convergence des techniques, annonciatrice d’une créativité libérée des contraintes. Au cours d’une brève visite, Catherine Trautmann a certainement pu constater que le marché se concentrait pour les produits autour des jeux et, pour les techniques, autour des réseaux et de l’imagerie 3D. Pour la France, elle a souligné que 1998 serait peut-être l’An 01 de l’Internet grand public et annoncé diverses mesures d’incitations. Une question subsiste : la France saura-t-elle accommoder le jeu et la culture ?

CANNES - Techniquement, le Milia démontrait les convergences matérielles et logicielles vers des outils de diffusion polyvalents, du micro-ordinateur au téléviseur, servis par des supports de haute densité (DVD) ou à haut débit (réseaux matériels ou immatériels), aussi prometteurs pour la diffusion que le fut naguère l’audiovisuel. Cela constaté, que va-t-on en faire ? Pour l’instant, des jeux qui tirent le parti maximum du développement accéléré des techniques de l’image de synthèse. La culture doit s’y mettre aussi, et la Réunion des musées nationaux, par exemple, présentait ses deux titres ludo-éducatifs truffés d’imagerie 3D – Versailles, complot à la cour du roi Soleil et Égypte, 1156 av. J.-C., l’énigme de la tombe royale –, mais dans un environnement reproduisant fidèlement les palais ou les tombes dans lesquels se développe l’intrigue interactive. Rassurant, puisque la diffusion de ces produits à fort contenu scientifique aurait déjà dépassé leur seuil de rentabilité. Cela étant, il s’agit plutôt des exceptions qui confirment la règle du presque tout synthético-ludique.

Les limites de l’action publique
Dans son point-presse, Cathe­rine Trautmann, après avoir recommandé de ne pas “avoir l’œil fixé systématiquement sur l’outre-Atlantique” et de savoir reconnaître “nos réussites et nos points forts”, a signalé que, outre la diffusion des équipements, le “déve­loppement des contenus, en particulier des contenus de type culturel” était une priorité gou­vernementale. Pour cela, le Centre national du Cinéma (CNC) verra ses dotations augmenter de moitié et passer à 25 millions de francs, consacrés non seulement aux cédéroms mais aussi aux programmes en ligne et aux adaptations en langues étrangères. En relation avec les ministères des Finances et de l’Industrie, le CNC devra articuler “un dispositif souple et dynamique” pour faciliter les relations adminis­tra­tions/entreprises. Des aides sectorielles complémentaires à l’édition et à la presse mobiliseront 20 millions de francs.

Les sommes mentionnées, par leur progression, sont la marque d’un effort public. Leur montant exigu par rapport à l’importance du marché – le marché mondial des programmes interactifs est évalué pour cette année à près de 100 milliards de francs – manifeste les limites de l’action publique. Cela doit pousser à la réflexion sur les effets de levier et de convergence, et pour tirer les conséquences de ce qui était le plus visible au Milia, il faut d’urgence mettre plus de jeu dans notre culture. La France saura-t-elle exploiter le numérique pour faire jubiler son patrimoine, sa création, ses critiques et ses scientifiques de la culture ? Faut-il peupler des scènes de genre de chansons à boire, créer une décomposition/recomposition interactive de natures mortes animées de la circulation d’insectes bourdonnant, refaire l’histoire pour permettre à la gare d’Austerlitz d’être rebaptisée gare de Waterloo ou rebâtir le temps pour que les passagers du radeau de la Méduse soient recueillis par le Titanic... ? Les organisateurs du Milia ont déjà trouvé une autre piste à exploiter. Ils lancent en mai 2000, à Vancouver, un marché mondial de l’éducation, de la formation et du savoir. Rassurant, n’est-il pas ?

France Télécom ouvre des “Espaces multimédia�?

Une centaine d’�?Espaces multimédia�? vont être ouverts dans différentes villes de France d’ici trois ans, afin de “permettre à tous d’aller à la découverte des services Internet et des cédéroms�?, a annoncé Gérard Eymery, directeur de la division multimédia de France Télécom. Un premier espace multimédia ouvrira dès le mois d’avril à Choisy-le-Roi, afin d’aider à redynamiser le centre commercial en recevant sur 170 m2 jusqu’à 32 personnes simultanément, pour y travailler en groupe ou à des projets individuels, indique Éric Garnier, PDG de Citcom. Cette filiale de France Télécom, spécialisée dans l’éducation et la formation, a défini plusieurs architectures proposées aux collectivités locales, qui prendront à leur charge l’aménagement, les différents équipements multimédia et le fonctionnement des centres. Les utilisateurs de ces “Espaces Multimédia�? pourront, à travers plusieurs parcours pédagogiques, apprendre à naviguer sur l’Internet, utiliser des e-mails ou consulter des services en ligne, et réaliser leur propres projets multimédia, par exemple leur propre page web. “Il s’agit de faire plus que des cyber-cafés, qui sont fréquentés essentiellement par des connaisseurs de l’informatique, et d’offrir au plus grand nombre la possibilité de découvrir, d’apprendre et de s’approprier l’Internet�?, a expliqué Gérard Eymery. L’usage individuel des équipements multimédia sera payant, tandis les scolaires ou les personnes à la recherche d’un emploi bénéficieront d’accès gratuits.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°55 du 27 février 1998, avec le titre suivant : Multimédia : la culture et les jeux

Tous les articles dans Actualités

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque