Marseille-Provence 2013

Marseille maintient le cap sur 2013

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 31 janvier 2012 - 732 mots

Sur le papier, le programme des travaux et festivités de Marseille-Provence 2013 s’annonce riche et dense : rénovation des musées marseillais, réhabilitation de nombreux sites, commandes artistiques…

Le ballet des grues a beau encore animer le front de mer, élus et responsables locaux ont tenu à l’affirmer haut et fort : tout sera bien prêt en temps et en heure pour le lancement des festivités. Soit les 12 et 13 janvier 2013, jour où Marseille-Provence deviendra, le temps d’une année, capitale européenne de la culture, en même temps que Kosice (Slovaquie). C’est au cours d’une présentation fleuve organisée le 19 janvier à la Friche de la Belle de Mai, haut-lieu de la culture marseillaise, que le foisonnant préprogramme des manifestations a été présenté par le menu. Cela en l’absence de Jean-Claude Gaudin, rebaptisé « Jean-Paul » par une journaliste de la Radio publique à la langue capricieuse, dépêchée sur place pour l’animation de la soirée. Le maire de la ville avait en effet été convoqué à l’Élysée pour gloser sur le sort de quelques investitures électorales et préparer la venue de Nicolas Sarkozy, quelques jours plus tard, dans la Cité phocéenne, afin de présenter ses vœux au monde de la culture. L’affichage d’un consensus politique, pourtant si peu crédible, notamment entre les deux éternelles rivales, « Aix-en-Provence la romaine » et « Marseille la grecque », était donc aussi au programme de ce show ponctué de chants corses et d’un strip-tease douteux signé du cabaret New Burlesque.

Pendant un an, tous les arts seront donc convoqués à Marseille mais aussi dans la majeure partie du département des Bouches-du-Rhône, soit plus de 70 communes fédérées autour de ce projet baptisé Marseille-Provence 2013 (MP 2013) – dont Toulon s’est finalement retiré –, quitte à provoquer une dispersion des énergies. L’événement sera scindé en trois temps forts, soit trois « épisodes » convoquant toutes les disciplines, des arts plastiques au cirque, en agrégeant une multiplicité de structures culturelles locales. Côté expositions, si le grand moment sera consacré au « Grand atelier du Midi », associant pour la première fois les musées des beaux-arts de Marseille et d’Aix autour d’œuvres de Van Gogh à Matisse, Rodin fera également un séjour à Arles, Picasso à Aubagne et Le Corbusier un retour à Marseille. Privilégiant la thématique de la Méditerranée, les organisateurs en auront ainsi quelque peu oublié – ou occulté ? — l’identité marseillaise au profit de quelques monstres sacrés cosmopolites. Les mauvaises langues, sceptiques depuis ce jour de septembre 2008 où le jury aura préféré Marseille à Toulouse, la principale concurrente, auront été médusées par le folklore politique local – les maires d’Aix et Marseille se sont encore, dès le lendemain, livrés à de nouvelles chamailleries – et impressionnées par l’ampleur du travail accompli. Il fallait en effet lire entre les lignes des discours pour mesurer l’énergie dépensée, quand Jean-François Chougnet, directeur général de l’association MP 2013, a cité Walter Benjamin : « il est plus difficile d’écrire trois lignes sur Marseille qu’une page sur Florence ». Jacques Pfister, son président, avait auparavant été plus direct pour décrire la tâche portée par une équipe travaillant « dans le bonheur et la douleur » sur ce « territoire franchement capable du pire ». Ce dernier peut toutefois se targuer d’avoir réussi à mobiliser le secteur privé qui financera à hauteur de 20 % l’événement. Le budget global est quant à lui vertigineux : 660 millions d’euros d’investissements — « 800 millions tout compris » rectifie un fin connaisseur du dossier – dont 160 millions pour l’État et 150 millions à la charge de la ville de Marseille. Quant à la programmation, 90 millions d’euros lui auront été consacrés depuis 2009, dont 12,5 % assumés par la ville de Marseille. Lille 2004 en avait coûté 72 millions. Bernard Latarjet, l’homme qui a porté le projet sur les fonts baptismaux avant de craquer en mars 2011 pour ne plus rester qu’un – fort actif – conseiller, relativise l’ampleur du coût. « Cela représente 10 % du budget d’une année pour la culture sur tout le territoire », note t-il. La dépense suscite pourtant déjà l’inquiétude de certains acteurs culturels marseillais. « Un nouveau périmètre culturel pour la ville se dessine, confirme l’un d’eux. Mais nous n’avons aucune visibilité sur l’après 2013. Nous ne savons pas du tout comment nous fonctionnerons dès 2014. L’effet gueule de bois est garanti. »

Lire les autres articles de notre rubrique Grand-Angle consacrée à Marseille-Provence 2013 (JdA 362, 3 février 2013) :

- Les grands chantiers de la cité phocéenne

- Un « Plan Musées » local

- Commande artistique

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°362 du 3 février 2012, avec le titre suivant : Marseille maintient le cap sur 2013

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