Marché : Paris regagne des points

Mais les grands acheteurs restent américains

Par Le Journal des Arts · Le Journal des Arts

Le 6 novembre 1998 - 678 mots

Incontestablement, le marché de la photographie s’est concentré aux États-Unis, à travers des ventes aux enchères, une foire – l’AIPAD – et des collectionneurs. L’avenir pourrait-il voir un rééquilibrage des échanges avec l’Europe ? Paris Photo réussit à organiser sa deuxième édition au Carrousel du Louvre, avec un nombre d’exposants accru, parmi lesquels de grands noms américains, tandis que les ventes publiques démontrent que la France garde l’apanage des images fortes du XIXe siècle, mais celles-ci sont encore achetées par... des Américains.

“La photographie prend sa place, c’est l’art des années à venir”, constate Alain Paviot. Lui qui pendant des années a été un grand marchand, considère maintenant que son travail se rapproche plus de celui des galeristes, “même pour des artistes anciens ou consacrés”. S’il participe pour la première fois à Paris Photo, il préfère encore présenter son exposition Brassaï d’abord à New York, avant de l’accueillir dans ses murs à Paris en 1999. Les modernes s’y vendent mieux, comme en témoignent les enchères. Une paire de deux tirages, l’un en positif l’autre en négatif, de Noire et blanche, de Man Ray, vient d’y être adjugée plus de 3,3 millions de francs début octobre chez Christie’s. L’acheteur a donc fait fi des questions soulevées à propos de la provenance des images et de la date du tirage du négatif. Le marché de la photo est jeune et souvent affaire de passionnés ! Les premières ventes publiques ont été organisées en 1952 à New York, mais les vacations régulières n’ont débuté qu’en 1975. Le produit de deux journées de vente avoisinait alors 350 000 dollars ; cet automne les cinq vacations organisées chez les différents auctioneers ont réalisé plus de dix millions de dollars (55 millions de francs). En France, il y a huit ans, chacune des dispersions que Viviane Esders, expert en photographie du XXe siècle, organisait avec des maisons de vente se soldait par un résultat de 300-400 000 francs, contre un million de francs aujourd’hui. Pour un vintage de Diane Arbus qui valait, il y a dix ans, environ 5 000 dollars (27 150 francs), il faut aujourd’hui compter 100 000 dollars (543 000 francs). Une photographie de Gisèle Freund vaut actuellement 10 à 12 000 francs selon Nina Beskow, qui dispose de l’exclusivité des ventes des œuvres de l’artiste. “Les prix ont triplé en dix ans”, précise-t-elle. “On trouve encore aux États-Unis cent fois plus de collectionneurs qu’en Europe”, confirme Marc Pagneux, expert spécialisé en photographie du XIXe.

Phénomène nouveau, les primitifs du XIXe se haussent aux prix des modernes du XXe. Pierrot écoutant, une épreuve au vernis d’après négatif verre d’Adrien Tournachon, a été adjugé 1 150 000 francs par l’étude Lelièvre-Maiche-Paris en juin à Bièvres à... l’Américain Thomas Walter. Un an plus tôt, en 1997, une marine par Gustave Le Gray de 1857 s’était vendue à Chartres 510 000 francs. Peu de collectionneurs français sont encore prêts à payer plus de 10 000 francs pour un tirage et, au-delà de 50 000 francs, seuls quelques grands noms interviennent. “Il y a parmi mes clients deux types de collectionneurs, indique le galeriste Baudoin Lebon. Les plus jeunes (30-35 ans) ne s’intéressent qu’à la photographie. Les amateurs un peu plus âgés (plus de quarante-cinq ans) collectionnent des tableaux et sculptures tout en montrant un vif intérêt pour la photographie picturale”. Signe d’une évolution, trois études de commissaires-priseurs (Tajan, Piasa, Saint-Germain-en-Laye) organisent des ventes durant Paris Photo. Piasa disperse des Dora Maar, tandis que Jacques Tajan présente une vente complète XIXe et XXe, avec en particulier un daguerréotype pleine plaque représentant Athènes et le Parthénon, une vue prise en 1850 par le baron Gros, alors diplomate en Grèce. À suivre...

“Europe-Amérique, les défis d’un redéploiement des échanges�? : marchands, galeristes, conservateurs français et étrangers seront réunis dans le cadre de Paris Photo, le vendredi 20 novembre de 17h à 19h, pour un débat organisé en partenariat avec le Journal des Arts, et avec le soutien du Département des Affaires internationales du ministère de la Culture et de la Communication. Accès libre à l’intérieur du salon.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°70 du 6 novembre 1998, avec le titre suivant : Marché : Paris regagne des points

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