Surenchère

Lyon perd un Gauguin

Alors que le compte y était, le musée s’est fait doubler pour l’acquisition de cette « œuvre d’intérêt patrimonial majeur »

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 15 mars 2011 - 499 mots

Le vendeur de Pape moe, un relief sculpté par Gauguin que le Musée des beaux-arts de Lyon était sur le point d’acheter, s’est désengagé in extremis, privant l’institution d’une pièce patrimoniale majeure. Après l’échec de la dation Claude Berri au Musée national d’art moderne, l’affaire pose la question des procédures d’acquisition pour les collections publiques.

LYON - L’acquisition aurait été un bel exemple de l’engagement du club d’entreprises mécènes du Musée des beaux-arts de Lyon. Las ! Comme l’a révélé l’hebdomadaire La Tribune de Lyon du 10 mars, alors que le protocole allait être signé et que le montant de la transaction allait faire l’objet d’un virement bancaire, le vendeur du bois gravé par Paul Gauguin intitulé Pape moe (1894) s’est subitement rétracté. Un coup dur pour l’établissement lyonnais qui avait négocié cette acquisition, par l’intermédiaire d’un courtier suisse, auprès d’un marchand et collectionneur italien. 

L’œuvre ayant été classée d’intérêt patrimonial majeur par la Commission consultative des trésors nationaux, son acquisition était éligible au mécénat. La mobilisation des collectivités locales et de mécènes, à travers une souscription, avait permis de réunir rapidement la somme convenue entre les parties, soit près de 2 millions d’euros. Le vendeur aurait toutefois trouvé les délais trop longs et se serait retourné vers un autre acheteur. « C’est l’hypothèse que nous formulons car on ne nous a rien dit de plus », indique le ministère de la Culture. La rumeur d’une acquisition pour le compte du Louvre-Abou Dhabi a rapidement couru, information démentie par l’Agence France-Muséums.

Le ministère de la Culture et la Ville de Lyon – où personne, ni à la Mairie ni au musée, ne souhaite commenter cette affaire – réfléchissent conjointement à la possibilité d’engager une action en justice contre le vendeur pour rupture d’engagement. « Nous sommes en train de consulter, aucune décision n’est prise car l’affaire devra être jugée devant un tribunal italien », confirme la Rue de Valois. Après l’échec de la dation de la collection de Claude Berri (lire le JdA no 342, 4 mars 2011, p. 4), ce nouveau revers est-il le signe d’une défaillance dans la gestion des acquisitions publiques ? Les délais, jugés par certains trop longs, sont en effet le fruit de procédures complexes, réclamant un quitus de Bercy et impliquant un certain nombre de vérifications relatives à l’origine des œuvres. Rien de plus normal dès lors que des fonds publics sont engagés. En revanche, des vendeurs peu scrupuleux pourraient-ils brandir ces offres publiques pour pratiquer la surenchère ? « Il ne faut pas en tirer de conclusions hâtives, prévient un responsable du dossier au ministère de la Culture. Il s’agit du premier échec depuis la mise en place des dispositions fiscales relatives aux trésors nationaux, lesquelles ont permis d’acquérir 150 œuvres depuis 2003. En revanche, si cela se reproduit dans quelques mois nous nous poserons des questions. » Cette fois-ci, la diligence de l’administration a porté sur un point : les entreprises mécènes de l’opération ont déjà été remboursées de leur participation.

Légende photo

Paul Gauguin - Pape moe (Eau mystérieuse) (1894) - relief sculpté dans un assemblage de bois de chêne - 81,5 x 62 x 5 cm. © Photo : Musée d'Orsay, Paris.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°343 du 18 mars 2011, avec le titre suivant : Lyon perd un Gauguin

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