Edition

Louise MacBain rachète Somogy

Par Julien Tribut · Le Journal des Arts

Le 5 novembre 2004 - 732 mots

LTB, holding de Louise MacBain, vient de renforcer sa position en acquérant le numéro 2 de l’édition d’art en France.

 PARIS - Le secteur des livres d’art vient de connaître un nouvel épisode qui risque fort de modifier en profondeur son équilibre. Alors que la RMN voit son rôle traditionnel d’éditeur pour les musées bousculé par la rébellion de plusieurs conservateurs, son concurrent Somogy vient d’être racheté par LTB, la holding détenue par Louise MacBain, qui entend bâtir un groupe de communication international spécialisé dans les arts.
« Je voudrais souligner l’élégance de LTB lors des négociations », nous a déclaré Nicolas Neumann, le jeune patron de Somogy. Élégance et surtout rapidité puisque la première rencontre, « une opportunité » selon Louise MacBain, date de fin août seulement.

L’ascension de Somogy
L’économie du marché des livres d’art est délicate. De nombreux acteurs se partagent un marché étroit, peu rémunérateur et très saisonnier. Et avec la multiplication des grandes expositions intervenue ces vingt dernières années, l’offre s’est très rapidement polarisée sur les catalogues d’exposition au détriment des ouvrages plus généraux.
C’est en s’inscrivant dans cette dynamique que Somogy a pu se hisser à la deuxième place de ce secteur, avec une part de marché d’environ 20 %, derrière la RMN, mais devant Paris-Musées, Gallimard et Flammarion. Le tournant stratégique date de 1992. Nicolas Neumann vient de racheter l’entreprise qu’il avait rejointe en 1987. Il n’a que 29 ans. Il décide de se focaliser sur les éditions ou coéditions centrées sur les expositions des musées. C’est le bon choix. En 2003, l’éditeur réalise un chiffre d’affaires de 3,7 millions d’euros (en croissance de 27 % par rapport à l’année précédente) et surtout un bénéfice (avant impôt) de 360 millions d’euros. « Nous revendiquons notre approche artisanale. Nous avons une petite équipe de douze personnes », souligne Nicolas Neumann.
Issu d’une famille qui baigne dans l’art, ce dernier a abandonné ses études en khâgne pour travailler dès 18 ans chez un éditeur, avant de rejoindre Somogy, la maison créée par le fondateur du même nom en 1937.Même s’il ne conserve qu’une part minoritaire des actions, Nicolas Neumann garde la direction de l’entreprise, une pratique habituelle chez LTB. Il identifie trois bénéfices dans ce changement d’actionnaires : des moyens et des méthodes de gestion dignes des grandes entreprises, lui permettant de gérer sa croissance ; une crédibilité renforcée sur le marché français et utile à la conquête des catalogues des « grands musées » ; et surtout, grâce aux réseaux marketing de LTB, un accès à l’international. Lorsque l’on évoque l’édition internationale, on pense immédiatement à Taschen. « Non, répond Louise MacBain. J’ai beaucoup de respect pour Benedikt, mais s’agissant de Somogy, le modèle est différent. Nous visons en priorité les musées ». À ces trois apports, Louise MacBain en ajoute un quatrième : « Somogy a le potentiel de développer des livres d’enfants. » L’éducation artistique est en effet l’une de ses croisades. Et de s’indigner : « Il est inadmissible qu’il n’y ait pas de cours d’art en France ! » Elle entend bien mener des actions de lobbying dans ce domaine auprès des gouvernements de différents pays en s’appuyant notamment sur sa fondation, laquelle disposera en 2006 d’un bâtiment neuf à Londres, qu’elle entend transformer en siège d’un « Davos de l’art ».
La fortune de Louise MacBain, canadienne d’origine, vient du groupe de presse Trader spécialisé dans les petites annonces, créé avec son ancien mari en 1987 et revendu après leur divorce. Son intérêt pour les arts s’est développé lorsqu’elle tenait les rênes de la maison de ventes Philips, de Pury & Luxembourg. Après avoir acquis le magazine américain Art & Auction en 2003, Louise MacBain a annoncé en mars 2004 son intention de bâtir un groupe international de communication spécialisé dans les arts. Elle a doté sa holding d’une « première tranche » de 100 millions d’euros. En près de six mois, elle a acquis deux magazines (Spoon en France et Modern Painters en Grande-Bretagne), des guides spécialisés dans les galeries, et surtout Museum Magazines, un ensemble de cinquante publications diffusées dans les musées américains. « Nous travaillons actuellement sur une liste de vingt-cinq acquisitions possibles », avoue Louise MacBain, qui partage son temps et ses résidences entre Londres, Paris, et New York. La femme d’art et d’affaires a aussi planifié plusieurs séjours à Berlin. Un indice pour sa prochaine acquisition ?

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°202 du 5 novembre 2004, avec le titre suivant : Louise MacBain rachète Somogy

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