Londres : la gratuité en question

Après le Victoria & Albert Museum, le British Museum deviendrait payant

Par Martin Bailey · Le Journal des Arts

Le 1 novembre 1996 - 695 mots

La tradition britannique de gratuité d’accès aux musées est en passe d’être abandonnée. Après le Victoria & Albert Museum, dont l’entrée est payante depuis le 1er octobre, c’est au tour du plus fréquenté des musées britanniques, le British Museum, d’étudier la possibilité de faire payer l’entrée à ses visiteurs pour pallier la baisse de son budget.

LONDRES (de notre correspondant) - Pour remédier à la diminution des subventions du Depart­ment of National Heritage, le British Museum étudie la possibilité d’instaurer un droit d’entrée. Son budget est en effet passé de 34,3 millions de livres en 1994-1995 à 33,2 millions de livres (265 millions de francs) pour l’exercice 1996-1997. L’abandon de la gratuité d’accès est une des propositions du rapport d’Andrew Edwards, ancien vice-secrétaire au Trésor, qui sera présenté au conseil d’administration le 7 décembre. Tout en refusant de spéculer sur le contenu du rapport final, un porte-parole du British Museum a néanmoins déclaré : "Le musée est fier de sa tradition d’entrée libre, et nous espérons pouvoir la préserver."

Horaires, expositions, acquisitions…
Avec 6,4 millions de visiteurs annuels, le British Museum est le musée le plus populaire de Grande-Bretagne, mais l’instauration de l’entrée payante pourrait affecter jusqu’au tiers des entrées. Une estimation rapide montre qu’avec une fréquentation ramenée à 4 millions de visiteurs, et un tiers des entrées restant gratuites, un droit d’entrée de 5 livres rapporterait environ 13 millions de livres par an. Outre les étudiants, les enfants, etc., il est probable que l’entrée demeurera gratuite pour tout le monde dans la dernière heure de la journée ou un jour par semaine.

Toutefois, la diminution du nombre de visiteurs risque d’entraîner une baisse importante des recettes des boutiques et des restaurants. De plus, les mécènes seraient assurément moins tentés de soutenir un musée dont la fréquentation est en baisse, alors que les récentes campagnes de collecte de fonds du British Museum ont remporté de francs succès.

Le double des contributions volontaires
Le rapport Edwards proposerait également de réduire les horaires d’ouverture afin de diminuer les frais de gardiennage. Si cette solution devait être retenue, il serait probablement plus efficace de fermer le musée un jour par semaine, plutôt que d’écourter la durée d’ouverture quotidienne (actuellement, de 10h à 17h). L’examen des dépenses devrait également remet­tre en question le programme des expositions. L’avenir des deux grandes expositions prévues en 1997 paraît définitivement assuré ("Ancient Faces", du 14 mars au 20 juillet, et "Cartier", d’octobre à janvier 1998), mais c’est loin d’être le cas pour la douzaine d’expositions plus modestes programmées parallèlement.

Parmi les autres propositions relevées dans le rapport : la diminution du budget des acquisitions, qui s’élève actuellement à 1,25 million de livres, ainsi que la réduction de l’équipe de conservation et de restauration, les coûts de personnel (y compris le gardiennage) correspondant à plus de 80 % des dépenses annuelles du musée.

De son côté, le Victoria & Albert Museum fait payer cinq livres d’entrée depuis le 1er octobre, au lieu de la contribution volontaire qui était jusque-là de règle (le musée suggérait de verser 4,50 livres). Au cours des sept premiers jours d’entrée payante, le musée a accueilli 18 000 visiteurs, contre 21 500 la semaine précédente et 17 000 la semaine d’avant, sachant qu’environ 60 % d’entre eux n’ont pas payé (moins de dix-huit ans, étudiants, handicapés, chômeurs, gratuité à partir de 16h30, etc.). Sans vouloir tirer de conclusions hâtives, les résultats initiaux laissent espérer que les recettes pourraient représenter le double des contributions volontaires (800 000 livres pour l’année budgétaire 1995-1996). D’autant que les 17,5 % de TVA récupérables sur l’entrée payante généreront d’autres revenus. En revanche, la grande inconnue demeure encore le manque à gagner des boutiques et des restaurants, si le nombre des visiteurs venait à décroître.

Gratuits et payants
À l’exception de certaines expositions temporaires, l’accès à ces musées est gratuit : la National Gallery, la National Portrait Gallery, la Tate Gallery, les National Galleries of Scotland, le Royal Museum of Scotland et l’Ulster Museum. En plus du Victoria & Albert Museum, ces musées sont payants : le National Maritime Museum, le Science Museum, le Natural History Museum, l’Imperial War Museum, le National Museum and Gallery à Cardiff.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°30 du 1 novembre 1996, avec le titre suivant : Londres : la gratuité en question

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