Royaume-Uni - Architecture

MÉMORIAL

À Londres, la construction du mémorial de l’Holocauste ne plaît pas à tout le monde

Par Tristan de Bourbon, correspondant à Londres · Le Journal des Arts

Le 15 novembre 2017 - 771 mots

LONDRES / ROYAUME-UNI

L’Imperial War Museum craint que le centre d’apprentissage accolé au futur mémorial ne doublonne avec ses propres installations, qui seront achevées en 2020.

Londres. L’attribution du contrat pour la construction du futur « Mémorial national de l’Holocauste » de Londres devait permettre de mettre un terme à trois années d’intenses discussions à propos de ce projet au budget de 50 millions de livres sterling (57 M€). Lors de la sélection, en octobre, des entreprises encadrées par l’architecte David Adjaye, le jury s’est ainsi félicité de « leur proposition de créer un lieu vivant, pas seulement un monument à propos de quelque chose du passé, et de leur désir de créer un voyage immersif pour le visiteur qui entrerait dans un mémorial intégré dans le sol ». La brève présentation écrite du projet indique qu’« entrer dans le mémorial sera une expérience sensorielle […]. Le centre d’apprentissage inclut un hall des témoignages et une cour de contemplation ».

Ces descriptions ont fait bondir les responsables de l’Imperial War Museum (IWM, Musée impérial de la guerre), à Londres. « Nous réclamons la reconsidération par la Fondation du mémorial pour l’Holocauste de la création du centre d’apprentissage de Victoria Gardens, qui se situe à environ 1,5 kilomètre de l’IWM», a immédiatement fait savoir sa directrice générale Diane Lees. « Il divisera en effet l’offre publique sur l’apprentissage de l’Holocauste. »

Situé au sud de la Tamise, l’Imperial War Museum accueille depuis juin 2000 la principale exposition permanente sur l’Holocauste du pays, qui reçoit 1 million de visiteurs par an. Dès mars 2014, soit dix mois avant que le Premier ministre David Cameron n’annonce la construction d’un nouveau mémorial, sa direction avait dévoilé son programme de réfection de toute l’aile du musée consacrée à la Seconde Guerre mondiale, avec un accent particulier mis sur l’exposition sur l’Holocauste. « À travers une nouvelle organisation de l’espace, nous développerons de nouvelles galeries où l’apprentissage sera au centre de l’expérience du visiteur », précisait même son programme destiné aux actionnaires et aux investisseurs.

Redondance prévisible
Une stratégie récemment confirmée par Diane Lees : « Nos nouvelles galeries révolutionnaires et l’espace sur l’apprentissage numérique nous permettront de transformer la manière dont nous présentons la Seconde Guerre mondiale et l’Holocauste et, à travers notre nouvelle narration, de favoriser l’interaction des visiteurs avec des événements qu’ils comprennent et connaissent moins. » Les travaux des galeries axées sur cette période, parmi lesquelles les 700 mètres carrés destinés au numérique, devraient coûter 33,5 millions de livres (38 M€), dont 15 millions pour les seuls espaces destinés à l’Holocauste. Ils sont censés être achevés en 2020, soit un an avant le futur mémorial.

La construction d’un centre d’apprentissage à côté du mémorial n’est pas sortie du chapeau de l’équipe menée par David Adjaye. Dès janvier 2015, David Cameron avait en effet prévenu que les 50 millions de livres serviraient à la construction d’un « nouveau mémorial national dans le centre de Londres » et d’un « centre d’apprentissage de niveau mondial à côté du mémorial. [Ce centre devrait] être une destination immanquable et utiliser les dernières technologies pour attirer un nombre important de visiteurs ».

Alerté par la possible redondance des deux projets, l’Imperial War Museum avait alors postulé pour accueillir le nouveau mémorial et l’intégrer à son espace existant. « Le musée a beaucoup d’expérience dans ce domaine et peut travailler avec les autres experts pour fournir un programme d’éducation excellent », avait fait valoir Diane Lees. Sans succès : en janvier 2016, David Cameron a suivi l’avis de la Fondation du mémorial pour l’Holocauste, dirigée par Peter Bazalgette, un homme connu pour son passage à la direction de la maison de production Endemol UK puis à la tête de l’Arts Council England. Il a ainsi dévoilé sa future localisation, dans les jardins mitoyens du palais de Westminster, un endroit jugé plus prestigieux que le sud de Londres.

Une localisation critiquable
Aujourd’hui, des voix s’élèvent quant à l’opportunité de ce lieu, où les instigateurs du projet espèrent attirer un million de visiteurs par an. Outre la destruction d’un espace vert, ils redoutent l’augmentation de la circulation automobile dans ce quartier touristique déjà compact, la mise en place de mesures supplémentaires de sécurité et les risques d’inondation qu’encourt ce projet enterré situé au bord de la Tamise. Leurs craintes risquent pourtant d’être balayées du revers de la main comme celles de l’Imperial War Museum. Peter Bazalgette a assuré que « la voix de chacun sera entendue. Je suis confiant que nous travaillerons avec l’Imperial War Museum et qu’au final tout le monde sera satisfait ». Un moyen comme un autre de clore le débat.

Légendes photos

Le projet de mémorial de l'Holocauste à Londres conçu par David Adjaye et Ron Arad. © Adjaye Associates and Ron Arad Architects.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°489 du 17 novembre 2017, avec le titre suivant : À Londres, la construction du mémorial de l’Holocauste ne plaît pas à tout le monde

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