L’exposition Bonnard victime de l’affaire Schiele

Par Le Journal des Arts · Le Journal des Arts

Le 9 mai 1998 - 458 mots

La saisie de deux œuvres d’Egon Schiele le 7 janvier par la justice new-yorkaise vient de produire ses premières conséquences, confirmant ainsi l’inquiétude des musées (lire les JdA n° 55 et 56). Deux collectionneurs ont refusé que leurs tableaux de Pierre Bonnard, présentés à la Tate Gallery de Londres, soient exposés à New York, dans l’étape américaine de la rétrospective.

NEW YORK - Le propriétaire du Nu gris de profil de Pierre Bonnard, exposé à la Tate Gallery de Londres jusqu’au 17 mai, a refusé qu’il soit présenté au Museum of Modern Art (MoMA) de New York, en raison de la saisie récente de toiles d’Egon Schiele à la provenance contestée. C’est la justification avancée par ce collectionneur anonyme, résident du Lichtenstein, pour expliquer son refus de faire traverser l’Atlantique à son tableau, a reconnu le MoMA. Le musée s’est en revanche refusé à confirmer une autre information publiée par le New York Times, selon laquelle un deuxième collectionneur aurait refusé de prêter un Nu Debout, pour un motif identique. “Le second n’a donné aucune raison”, a indiqué Elizabeth Addison, porte-parole du musée. Les toiles concernées ont été identifiées par recoupement entre les catalogues des deux expositions, mais le MoMA n’a pas voulu confirmer le titre des tableaux.

Ces péripéties confirment l’inquiétude exprimée en février par les directeurs des principaux musées européens, qui appelaient au respect de la loi sur l’exemption de saisie. Ils mettaient en garde les États-Unis sur les conséquences pouvant résulter de cette instabilité juridique. Cependant, l’attitude des deux collectionneurs de Bonnard ne manque pas de semer le doute sur la provenance des œuvres. Pourraient-elles faire l’objet d’une quelconque revendication ?

“La nouvelle de la saisie des deux peintures de Schiele dans votre musée m’a beaucoup inquiété, et vous comprendrez certainement que je ne puisse vous prêter mon tableau dans ces circonstances”, a écrit le propriétaire de Nu Gris de profil à John Elderfield, commissaire de l’exposition new-yorkaise. Cette lettre a été jointe au dossier déposé par le MoMA devant le procureur de New York, Robert Morgenthau, qui doit bientôt rendre sa décision concernant la saisie des deux œuvres de Schiele, Portrait de Wally et Ville morte III. Ces toiles, prêtées au MoMA par la Fondation Leopold de Vienne, sont bloquées depuis le 7 janvier, des particuliers ayant affirmé qu’elles avaient été spoliées pendant la guerre. L’offre d’un compromis extrajudiciaire proposé par le parquet new-yorkais, le 18 janvier, avait été immédiatement rejetée par la Fondation, Rudolf Leopold ayant toujours soutenu avoir acquis légalement les deux tableaux. Le 22 janvier, les avocats du MoMA ont donc intenté une action en justice contre le procureur, en invoquant la “loi sur l’art et les affaires culturelles” de l’État de New York, qui protège les prêts contre toute saisie.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°60 du 9 mai 1998, avec le titre suivant : L’exposition Bonnard victime de l’affaire Schiele

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