Les premiers programmes « Culture »

Par Éric Tariant · Le Journal des Arts

Le 27 mars 2013 - 1571 mots

Le programme pluriannuel « Culture » est l’un des deux outils d’intervention des institutions européennes.

Sans la culture, le projet européen n’a plus de sens, ni de consistance, insiste l’ancienne présidente du Comité des régions Mercedes  Bresso. Bien entendu, la dimension culturelle ne doit pas oblitérer les autres dimensions cruciales du projet européen (institutionnelle, économique, monétaire, sociale ou territoriale), mais elle doit rester l’une de nos préoccupations majeures tant la culture et les politiques culturelles jouent un rôle structurant », insiste t-elle.
Mais, aujourd’hui, alors que l’Europe traverse une crise économique sévère, c’est d’abord pour ses capacités à créer de la valeur ajoutée que la culture est aujourd’hui courtisée. Le Livre vert publié en 2010 par la Commission européenne annonce d’emblée la couleur. Il s’agit avant tout de libérer le potentiel des industries culturelles et créatives. « Celles-ci disposent d’un potentiel largement inexploité de création, de croissance et d’emplois. L’Europe doit trouver de nouvelles sources de croissance intelligentes, durables et inclusives et investir dans ces créneaux pour assurer la relève », insiste le Livre vert. Pour retrouver la voie de la prospérité, l’Union européenne mise désormais sur la culture, son nouveau mantra pour créer de la valeur ajoutée.
Une étude conduite en 2006 à la demande de la Commission européenne a montré que les industries culturelles et créatives constituent l’un des secteurs les plus dynamiques d’Europe. Elles pèsent 2,6 % du PIB de l’Union européenne et près de cinq millions d’emplois et possèdent encore un fort potentiel de croissance. Plus récemment, le Conseil européen s’est doté d’une nouvelle stratégie d’ensemble, la Stratégie Europe 2020 destinée à guider la politique européenne pour les dix prochaines années. Ses priorités ? La croissance. La croissance intelligente, par le développement d’une économie basée sur la connaissance et l’innovation. La croissance durable en misant sur une économie plus efficace et économe dans l’utilisation des ressources. Et la croissance inclusive en soutenant une économie à fort taux d’emploi favorisant la cohésion sociale.

Favoriser une citoyenneté européenne
Le programme « Culture » (2007-2013) a un rôle important à jouer dans cette stratégie. Il s’agit d’abord de favoriser l’émergence d’une citoyenneté européenne en développant une coopération culturelle entre les créateurs, les acteurs culturels et les institutions culturelles. Doté d’un budget de 400 millions d’euros sur la période 2007-2013, le programme « Culture » vise à soutenir la coopération culturelle, la traduction littéraire, les festivals et à aider financièrement les organismes poursuivant un objectif d’intérêt européen.
Il importe aussi de promouvoir la mobilité transnationale des personnes, d’encourager celle des œuvres, et de stimuler le dialogue interculturel. Par rapport à Culture 2000, son prédécesseur, le Programme 2007-2013 se focalise davantage sur la mobilité transnationale des personnes et sur la circulation transnationale des œuvres d’art et produits culturels. Les procédures de candidature ont été simplifiées de façon à les rendre plus claires et plus rapides que par le passé. Enfin, une nouvelle structure, l’Agence exécutive pour l’éducation, l’audiovisuel et la culture (EACEA) a hérité du « nouveau né » qu’elle est chargée de gérer.

Un festival d’initiatives soutenues
Parmi la multitude d’initiatives soutenues chaque année par le programme « Culture » figure Backlight. Ce festival international de photographie a pu se développer et approfondir sa coopération grâce au soutien financier de l’Union. Il attire désormais des participants venus de toute l’Europe et jouit aujourd’hui d’une popularité qui dépasse les frontières européennes. Le projet Halma vise, lui, à favoriser la mobilité des écrivains, traducteurs et éditeurs en Europe. H.O.M.E (House for Open Mobility Exchange), autre initiative financée par l’Union, vise à favoriser le rapprochement des artistes entre eux mais aussi avec leurs publics. « Chaque événement (représentation musicale, théâtre de rue ou installation multimedia) suppose que les participants voyagent d’un pays à l’autre, l’important étant de faire connaissance de manière informelle avec les autres artistes », explique le coordinateur de projet, Jasa Jenull, qui s’amuse à présenter H.O.M.E comme une sorte de « couchsurfing artistique ».
Le programme « Culture » soutient aussi toute une ribambelle de festivals dont celui d’Avignon. « L’apport financier de l’Union européenne a eu pour conséquence majeure de donner au Festival une dimension encore plus internationale et multilingue », insiste Philippe Le Moine, le responsable des relations extérieures du Festival d’Avignon. En 2011, 674 festivals ont été soutenus par le programme pour un montant total de 3,3 millions d’euros. Les capitales européennes de la culture sont elles aussi du ressort du programme. Plus de quarante villes ont été désignées capitales européennes de la culture à ce jour. Cette initiative est aujourd’hui l’une des plus connues de l’Union européenne. Son objectif est avant tout de mettre l’accent sur la richesse et la diversité des cultures d’Europe ainsi que sur leurs points communs, tout en favorisant le développement d’un sentiment d’appartenance chez les Européens. Le programme Culture décerne enfin des prix pour l’architecture contemporaine, le patrimoine culturel, la littérature et la musique populaire.

Une évaluation contrastée du programme 2007-2013

Une évaluation intermédiaire du programme Culture (2007-2013) a été réalisée en 2009-2010. Un bilan complet couvrant l’ensemble de la période est attendu pour 2015. Le succès du programme a été tel que seule une candidature sur quatre a pu être retenue et financée pour les projets de coopération, et une sur trois pour les organismes actifs au niveau européen. Les arts du spectacle tiennent le haut du pavé, mais on observe de plus en plus de grands acteurs interdisciplinaires. Il se dégage de cette première étude partielle que cet outil a joué un rôle important dans la promotion de la diversité culturelle et linguistique de l’Union ; qu’il a correctement rempli sa mission de promotion de la mobilité des acteurs culturels et de la circulation transnationale des œuvres d’art et produits culturels. Plus que les contraintes juridiques ou fiscales aisément surmontées, c’est le coût des opérations qui forme le principal obstacle à la coopération transfrontalière. Dans le secteur littéraire, les projets de traductions ont ainsi permis, en l’espace de trois ans, à 1,4 million de personnes d’accéder à des œuvres appartenant à l’héritage européen commun. On observe une prédominance de l’anglais et du français comme langues de départ des traductions, et de cinq langues seulement comme langues d’arrivée. Dans les prochaines années, il sera nécessaire d’élargir l’accès aux œuvres à des langues encore peu représentées.
Le succès semble, en revanche, plus mitigé en matière de dialogue interculturel. Et la participation des ressortissants des 27 pays membres encore très inégale. La majorité des projets a en effet été initiée dans des pays de l’Europe des Quinze. Quel pourra être le legs, l’empreinte du programme « Culture » à plus longue échéance ? On constate aujourd’hui que l’arrêt des financements européens se traduit presque toujours par un resserrement des activités précédemment soutenues, voire par leur arrêt pur et simple. « Les effets à long terme se mesurent plutôt en termes d’expérience et de compétences acquises par les personnes d’une part, et d’intérêts et de capacités accrus pour la mobilité et la circulation en ce qui concerne les organisations d’autre part », insistent les auteurs du rapport. Le retrait du soutien des 27 aux prix européens risquerait de réduire tant le profil que le prestige et le rayonnement de ceux-ci, observent-ils. En revanche, les retombées positives de l’organisation des capitales européennes de la culture semblent se prolonger longtemps après la clôture de la manifestation : nouvelles infrastructures ou activités culturelles, scènes plus dynamiques, meilleure gouvernance et capacités accrues au sein du secteur culturel.
La coopération culturelle transnationale a évidemment un coût difficile à assumer en cette période économiquement troublée. Mais la culture n’est-elle pas le seul secteur à même d’unir tous les pays d’Europe ? « Les arts plastiques, la littérature, la musique sont le ciment de l’Europe, martèle Dario Fo, écrivain, dramaturge et metteur en scène italien. Avant même que l’Europe ne soit unie au plan économique ou conçue au niveau des intérêts économiques et des échanges, c’est la culture qui unissait tous les pays d’Europe », note-t-il.

Les industries culturelles et créatives en chiffres

L’Union européenne s’est dotée de statistiques précises sur l’économie de la culture depuis 2009. Dans une communication de septembre 2012, la Commission européenne estime que les industries culturelles et créatives (ICC) représentent dans l’Union européenne 3,3 % du PIB et emploient 6,7 millions de personnes, soit 3 % de l’emploi total. La Commission européenne souligne que la contribution de ces ICC au PIB de l’Union européenne est ainsi plus importante que d’autres secteurs, tels que le secteur immobilier qui représente 2,1 % du PIB de l’Europe, ou bien encore le secteur de l’alimentation, des boissons et de la production de tabac (1,9 %), de l’industrie textile (0,5 %) et du secteur des produits chimiques, du caoutchouc et des plastiques (2,3 %). La communication précise également « qu’entre 2008 et 2011, l’emploi dans les secteurs de la culture et de la création s’est révélé plus résistant que dans l’économie de l’Union dans son ensemble », même si les résultats sont très différents d’un secteur à l’autre. Autre élément, certains de ces secteurs privilégient l’emploi des jeunes. Les industries culturelles et créatives reflètent des réalités très différentes. Elles comprennent aussi bien des entreprises privées que des institutions publiques, ou bien encore des établissements mixtes. Il s’agit aussi bien de multinationales, notamment dans le secteur de l’audiovisuel, que d’entreprises individuelles. Toutefois, 70 à 80 % d’entre elles seraient des petites et moyennes entreprises, qui sont confrontées à un même défi : trouver des financements.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°388 du 29 mars 2013, avec le titre suivant : Les premiers programmes « Culture »

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