Les musées nationaux en mal d’égalité

À côté du Louvre et d’Orsay, de nombreux établissements souffrent d’une insuffisance de moyens

Le Journal des Arts

Le 8 juin 2001 - 856 mots

Considérés comme l’élite des musées, les 33 établissements qui répondent à l’appellation de musées nationaux sont loin de partager le même quotidien. Différents, entre autres, par leur statut, le contenu de leur collection, et leur situation géographique, ils n’ont bien souvent en commun que leurs organismes de tutelle : la Direction des musées de France (DMF) et son corollaire, la Réunion des musées nationaux (RMN). Sur fond de loi musée et de mouvements sociaux dus à l’application de la loi sur les 35 heures, le JdA dresse un panorama de la situation.

PARIS - Taxés à tort d’immobilisme, les musées nationaux ont des projets pleins leurs cartons : travaux complets de rénovation, agrandissements des salles d’exposition ou des réserves, extensions... Après la récente rénovation du Musée Guimet, c’est au tour du futur Musée du quai Branly de monopoliser l’attention et les moyens. Dans un avenir plus lointain, le Musée national des arts et traditions populaires (ATP) devrait quitter les verts horizons du bois de Boulogne et s’installer à Marseille ; ce changement de localisation entraînera la redéfinition d’un projet culturel et scientifique adapté au contexte local, c’est-à-dire plus résolument tourné vers la Méditerranée (lire JdA n° 96, 7 janvier 1999). Mais ces grands projets, comme le soulignent certains conservateurs, ne doivent en aucun cas masquer les besoins, plus modestes, d’entretien régulier des bâtiments et de modernisation des salles. L’enveloppe budgétaire étant commune à l’ensemble des musées nationaux, ceux-ci doivent prendre leur mal en patience et attendre que leurs desiderata soient inscrits à l’ordre des priorités. “Certaines des vitrines tombent littéralement en ruine. Quant au manque de place, la situation est dramatique : nous avons 50 000 objets à placer dans un espace de 3 000 m2 seulement”, déclare Antoinette Hallé, directrice du Musée national de la céramique à Sèvres. Autre exemple, le Musée des Antiquités nationales de Saint-Germain-en-Laye (Man) attend, depuis le début des années 1990, qu’un véritable programme de rénovation soit engagé. “Certaines salles dont la muséographie avait particulièrement vieilli sont en cours de réaménagement, mais cela concerne seulement l’éclairage, les vitrines et la signalétique. Un véritable projet de rénovation doit être entrepris avec notamment la construction de réserves souterraines, ce qui libérerait des salles d’exposition, qui nous font cruellement défaut pour le moment”, explique Patrick Périn, directeur du Man. Au manque d’espace, qui semble être un des principaux sujets de mécontentement, répond en écho une autre préoccupation majeure : le manque de personnel. Les mouvements sociaux qui secouent depuis quelques mois les musées et monuments nationaux ont pour origine l’application des 35 heures. Mais ils révèlent des dysfonctionnements plus profonds au sein de ces institutions : un sous-effectif et une précarité de l’emploi généralisée. L’augmentation des tâches dévolues aux conservateurs et la multiplication des services offerts aux publics par les musées aggravent le phénomène. “Les musées nationaux ont acquis une certaine autonomie, rétorque Bernard Chevallier, directeur du château de la Malmaison. Ce qui était anciennement pris en charge par la DMF relève désormais de la compétence des directeurs d’établissements, mais les effectifs n’ont pas augmenté pour autant.” “Les conservateurs des musées territoriaux sont entourés d’attachés ou d’assistants de conservation. En ce qui nous concerne, il n’y a pas de corps intermédiaire entre les conservateurs et les personnels techniques : c’est une réelle lacune”, ajoute Patrick Périn.

Les secteurs réclamant une hausse des crédits sont donc légion. Michel Colardelle, directeur du Musée national des ATP, souligne l’importance de la médiation : “Nous n’avons pas les moyens de mener une véritable politique de médiation auprès des publics. La part allouée au budget de communication est ridicule au regard du nombre d’activités que nous développons. Nous devons certainement hiérarchiser nos priorités et trouver des solutions originales et adaptées afin de concrétiser nos projets.”

Malgré ces obstacles, rares sont les établissements à remettre en cause un système qui, bien que perfectible, reste pour la majorité d’entre eux le seul viable. “Si la RMN explose, nous explosons avec elle”, reconnaît Antoinette Hallé, directrice du Musée national de la céramique à Sèvres. Le système de répartition assure la survie des institutions qui ne peuvent équilibrer leur budget : les recettes des entrées ne pouvant compenser les frais de fonctionnement. “Le Musée Message biblique Marc-Chagall attire un public important : plus de 200 000 personnes par an, surtout constitué d’étrangers. Il joue le rôle d’établissement locomotive et permet, d’une certaine façon, de faire vivre Le Musée Fernand-Léger qui rencontre plus de difficultés”, explique Jean-Michel Foray, directeur des Musées Fernand-Léger (Biot), Chagall (Nice), et Picasso (Vallauris).

Des velléités d’autonomie se font cependant jour dans les grands musées qui préféreraient sans doute bénéficier de la totalité de leurs gains. “Cette tentation me semble normale et saine. Les établissements publics possèdent déjà une réelle autonomie qui est la conséquence du dynamisme dont ils font preuve. Toutefois, je tiens absolument à maintenir ce mode de fonctionnement qui assure la solidarité entre l’ensemble des musées, et qui est le seul à assurer le maintien du poids des institutions françaises au niveau international. Nous pouvons progresser sur un autre terrain : celui des moyens mis à disposition des musées”, conclut Francine Mariani-Ducray, directrice des Musées de France.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°129 du 8 juin 2001, avec le titre suivant : Les musées nationaux en mal d’égalité

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