Les enjeux du centre d’art parisien

Son installation au Palais de Tokyo a été officialisée par Catherine Trautmann

Par Philippe Régnier · Le Journal des Arts

Le 16 avril 1999 - 784 mots

Catherine Trautmann a confirmé officiellement, le 7 avril, la création dans le Palais de Tokyo d’un espace voué à la jeune création (lire le JdA n° 80). Ce lieu aux multiples enjeux devrait ouvrir avant la fin de l’an 2000. Loin de déshabiller Pierre pour habiller Paul, les centres d’art en régions bénéficieront d’une augmentation substantielle de leurs moyens parallèlement à la création de cette structure d’un nouveau type.

PARIS - Il est de bon ton, à Paris, d’affirmer avec aplomb qu’“en matière d’art contemporain, tout se passe en province”. Sans tomber dans ce jugement par trop manichéen, les jeunes artistes bénéficient effectivement en régions, depuis quelques années, d’un réseau de structures qui les soutient vaillament, sans nécessairement disposer d’un relais équivalent dans la capitale. Pour preuve, rares sont les expositions organisées par les trente-deux centres d’art et les vingt-deux Frac, coproduites avec une institution parisienne, alors même que les échanges sont monnaie courante entre ces structures. Certes, des lieux publics existent – le Centre Georges Pompidou, l’Arc/Musée d’art moderne de la Ville de Paris, l’École nationale supérieure des beaux-arts, le Centre national de la photographie –, mais aucun n’est uniquement consacré à la jeune création. L’espace d’un ancien magasin dans le quartier de l’Horloge devait permettre au Centre Georges Pompidou, à sa réouverture, de disposer d’un outil plus expérimental. Ce projet semble s’être malheureusement heurté à des difficultés techniques, ainsi qu’au conservatisme ambiant.

La décision de créer un nouveau centre d’art dans l’aile ouest du Palais de Tokyo n’a cependant pas tardé à faire couler beaucoup d’encre. Ainsi, c’est de sa plus belle plume que Jean Tiberi, maire de Paris, a écrit à Catherine Trautmann une lettre où il s’interroge sur le choix de ce lieu “au voisinage immédiat du Musée d’art moderne de la Ville de Paris”. La ministre n’a pas manqué de lui assurer en réponse son “souhait qu’une collaboration se développe entre [ce musée] et le futur centre”. En s’installant dans le Palais de Tokyo, ce dernier vient directement marcher sur les plates-bandes de l’Arc, l’un des rares endroits où la jeune création est à l’honneur à Paris. Suzanne Pagé, directrice du Musée d’art moderne de la Ville de Paris, pourrait d’ailleurs entrer dans la future association de gestion que la ministre appelle de ses vœux et qui pourrait réunir des partenaires publics, des professionnels et des mécènes. Les deux institutions devraient au moins former un pôle fort, qui restera, quoi qu’il arrive, un îlot isolé dans un arrondissement éloigné des quartiers où vivent et travaillent les jeunes artistes.

Un lieu de vie
Même si le centre d’art pourra paraître un peu trop grand chaussé, occupant environ 4 000 m2 sur les 18 000 disponibles, il était important pour la viabilité du projet qu’il soit d’emblée amarré à un lieu. Imaginé souple et expérimental, il sera toujours possible de lui trouver une autre demeure si celle-ci s’avérait peu adaptée. Pour l’heure, la ministre n’envisage qu’un “aménagement réduit au strict nécessaire” du bâtiment, en évitant les gestes architecturaux, une réalisation estimée à 30 millions de francs. Plusieurs partenaires financiers, notamment la Région Île-de-France, ont déjà été approchés. Dans l’état actuel du projet, le budget de fonctionnement n’a pas encore été arrêté, mais il sera certainement modeste par rapport à celui des autres institutions parisiennes.

Ce lieu, que l’on souhaite déjà ouvert à la création la plus contemporaine mais aussi pluridisciplinaire (arts plastiques, danse, musique…), devrait à la fois proposer des expositions, des salles expérimentales sur le modèle des “Project Rooms” des foire internationales, et mettre des espaces et des outils de création à la disposition des artistes, bref inaugurer un nouveau type de fonctionnement en adéquation avec les désirs et les besoins de la jeune génération. Cette fonction de production permettrait notamment aux centres d’art et aux Frac de disposer d’un relais dans la capitale, mais aussi de produire ou de coproduire des expositions de jeunes Français avec des institutions étrangères, l’un des maillons faibles de la diffusion de nos artistes sur le plan international. Tout dépendra évidemment de l’équipe qui en aura la charge. Certains institutionnels cherchant une porte de sortie se sont déjà manifestés, mais le Délégué aux Arts plastiques a lancé un appel d’offres restreint à l’attention de trois ou quatre personnes hors institution, chargées de réfléchir à un concept et à un programme, une procédure que l’on aurait peut-être aimée plus ouverte. Même si le choix final ne manquera pas de faire grincer quelques dents au sein des réseaux en compétition, ce centre d’art doit justement être un lieu engagé, un lieu de partis pris, au niveau national et international. Le mandat de trois ans non renouvelable accordé à son directeur assurera de toute façon une nécessaire rotation.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°81 du 16 avril 1999, avec le titre suivant : Les enjeux du centre d’art parisien

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