Les écoles belges inquiètes

Un projet de réforme met le monde artistique en ébullition

Le Journal des Arts

Le 10 avril 1998 - 531 mots

En août 1995, l’enseignement supérieur de la Communauté française de Belgique avait été réorganisé en hautes écoles. Le domaine artistique avait été laissé de côté. Aujourd’hui, les choses semblent avoir singulièrement évolué puisque le ministre William Ancion, chargé de ces matières au sein de l’exécutif de la Communauté française, prépare un projet de décret qui, selon la rumeur, pourrait être adopté avant l’été. Sont concernés les établissements d’enseignement francophones de Bruxelles et de la Wallonie.

BRUXELLES (de notre correspondant) - Dans le principe, la logique visant à homogénéiser le système éducatif en adaptant l’enseignement artistique à la norme générale est compréhensible. De façon concrète, le projet entend réglementer une politique de fusion selon le principe suivant : “Dans chacun des réseaux, […] une et une seule haute école peut être créée par un établissement ou des établissements d’enseignement supérieur artistique […] relevant du même domaine artistique si le nombre d’étudiants régulièrement inscrits atteint 1 200”. Le principe vise à permettre d’abord la fusion des écoles d’art sans implication des hautes écoles – chargées de l’enseignement général – déjà existantes. Celles-ci ne seraient impliquées qu’en cas d’échec de cette première possibilité. Le texte précise : “Plus d’une école d’art peut être créée par réseau à condition que le nombre d’étudiants régulièrement inscrits dans chacune d’entre elles atteigne 2 400”. Dans ce cas, on assisterait effectivement à l’intégration d’étudiants venus de l’enseignement artistique dans des hautes écoles chargées de former… des infirmières ou des ingénieurs ! Entre fusion et intégration, les responsables du secteur artistique choisissent la première option, même si la solution ne se révèle pas toujours idéale. Ainsi, dans le domaine musical, la fusion des trois conservatoires de Bruxelles, Mons et Liège, bien que de qualité inégale, aurait pour effet de ruiner la politique d’implantation régionale et d’ouvrir la voie à des rationalisations drastiques en matière d’encadrement.

Car au-delà des réformes, la question budgétaire se révèle épineuse. Les nouvelles normes esquissées pourraient conduire à réduire le budget d’nstitutions comme La Cambre de près de 25 %, tout en interdisant la prise en charge des étudiants étrangers. À La Cambre, la menace est durement ressentie puisqu’elle ruinerait la réputation internationale d’une école qui compte 177 étudiants étrangers sur un total d’environ 560.

Une pétition pour La Cambre
D’emblée, rien n’est joué, les textes définitifs n’étant pas encore connus. Les avant-projets restent flous quant aux modes de financement retenus. Le ministre (issu du Parti social chrétien) annoncera sans doute le blocage de l’enveloppe globale dévolue à l’enseignement supérieur pour une période de cinq ou six ans. Il est à craindre que, comme pour les universités, la manœuvre vise à permettre des glissements internes qui bénéficieraient aux plus grosses institutions, et tout particulièrement à l’enseignement catholique. Pour les établissements artistiques comme l’Insas (arts du spectacle), La Cambre (à la fois beaux-arts et architecture) ou l’Esapve de Mons (arts plastiques et visuels), l’avenir semble sombre, puisque la spécificité même de ces institutions de renommée est mise en cause. À La Cambre, la fronde gronde, et la direction a lancé une pétition de soutien. La réforme – profitable en soi si elle était menée en concertation – pourrait signifier l’acte de décès d’un enseignement artistique de qualité.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°58 du 10 avril 1998, avec le titre suivant : Les écoles belges inquiètes

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