Les artistes face au troisième millénaire

L’Unesco s’est alliée au Getty pour organiser un congrès

Par Jean-Marie Schmitt · Le Journal des Arts

Le 29 août 1997 - 655 mots

Le Congrès mondial de l’artiste, réuni par l’Unesco du 16 au 20 juin à Paris, a constaté le désengagement des États et l’intrusion des nouvelles technologies. Les participants ont donc dû rechercher de nouvelles voies pour adapter l’identité de l’artiste et assurer le développement d’une création respectant la diversité culturelle.

PARIS. En prenant l’initiative de réunir un Congrès mondial de l’artiste, l’Unesco prenait un risque. En effet, la base de réflexion était la recommandation relative à la condition de l’artiste, adoptée par la Conférence générale de l’Unesco à Belgrade en 1980. Depuis cette date, les événements et les évolutions n’ont guère joué dans un sens favorable à l’application des orientations fixées à l’époque. Après l’effondrement du bloc soviétique, les thèses libérales triomphent, et "l’attente d’État" des artistes risque davantage encore d’être déçue. Quant aux nouvelles technologies, elles sont aux mains de sociétés financières, personnes morales dont les attentes peuvent être très éloignées de celles des créateurs. Le mode d’organisation du Congrès pouvait alimenter l’inquiétude. Si la manifestation bénéficiait de la coopération du ministère français de la Culture, ce qui semblait naturel puisque l’assemblée se tenait à Paris, il se faisait également en coopération avec le Getty Conservation Institute. Or, si l’organisation Getty est internationale, elle est à capitaux privés et ses bases sont américaines. Il y a quelques années encore, cette association aurait déclenché des oppositions : d’une part, parce que les États-Unis étaient en conflit avec l’Unesco (ils n’en font d’ailleurs plus partie depuis plusieurs années), d’autre part, parce que la sensibilité de l’Unesco la portait davantage vers les États que vers les entités privées. Real Politik ou réconciliation durable, la coopération ainsi instaurée avait le mérite de manifester que les débats ne s’enliseraient pas dans les querelles idéologiques. Encore fallait-il qu’ils ne débouchent pas sur une pensée culturelle unique, marquée par une approche exclusivement économique et l’affirmation d’une uniformisation culturelle sous couvert d’intégration technologique.

Inquiétudes
À ces interrogations préalables, la conférence a répondu avec succès, à la fois par la variété des positions exprimées et par la recherche systématique de solutions concrètes, sans pour autant renoncer à mettre en avant des principes. Les intervenants se sont moins préoccupés de la condition de l’artiste, comme en 1980, que des modalités concrètes de l’exercice de son activité dans un environnement en évolution sociale et technologique rapide. Sur ce point, ce sont plutôt des inquiétudes qui se sont exprimées. Inquiétude face au désengagement public dans la foulée d’un néo-libéralisme qui renvoie culture et création à la sphère privée. Inquiétude devant l’inaction généralisée en matière d’éducation, renvoyant la diffusion culturelle aux grands médias qui ne s’en préoccupent guère. Inquiétude sur les effets des évolutions technologiques, particulièrement de la révolution numérique, dont certains craignent qu’elles ne soient monopolisées par la sphère financière ou marchande et offrent des moyens privilégiés aux pirates. Inquiétude enfin des représentants des pays les moins favorisés, qui s’interrogeaient parfois sur la pertinence des questions posées dans leur sphère de dénuement. Les inquiétudes portaient en négatif les espoirs. Ceux d’une prise de conscience que la création est une ressource précieuse, qui justifie l’investissement public et l’implication privée. Également celui d’une reconnaissance de la diversité culturelle, affirmation réitérée lors des débats, à laquelle la mondialisation économique donne paradoxalement toute sa valeur : en quelque sorte, la création garante de la pluralité culturelle pour éviter le clonage d’une culture dominante. Et, au plan de l’action, affirmation de l’action collective. Évidemment conduite par les sociétés d’auteurs, cette démarche, centrée sur la propriété intellectuelle, ses avancées récentes et ses progrès souhaités, s’accompagnait aussi de l’affirmation, encore hésitante, d’une nécessaire solidarité entre les secteurs de la création. Leurre ou signe encourageant, les fondations privées présentes, en particulier le Getty Trust, tout en insistant logiquement sur la professionnalisation des projets et des soutiens, ont été les premières à soutenir l’encouragement à la diversité culturelle et l’affirmation que la création aujourd’hui est à la fois garante du futur et facteur de développement harmonieux.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°42 du 29 août 1997, avec le titre suivant : Les artistes face au troisième millénaire

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