Église - Justice

Le Vatican prend ses distances avec l’artiste-prêtre Marko Rupnik

Par LeJournaldesArts.fr · lejournaldesarts.fr

Le 16 juin 2025 - 507 mots

Accusé d’abus sexuels, Marko Rupnik voit ses œuvres supprimées des sites officiels du Vatican.

Mosaïques réalisées par Marko Rupnik sur la façade de la basilique Notre-Dame du Rosaire à Lourdes. © Dennis Jarvis, 2014, CC BY-SA 2.0
Mosaïques réalisées par Marko Rupnik sur la façade de la basilique Notre-Dame du Rosaire à Lourdes.
© Dennis Jarvis, 2014

Le Vatican a récemment décidé de retirer des œuvres du prêtre et artiste Marko Rupnik (70 ans) de ses plateformes numériques officielles. Cette mesure, préconisée par la Commission pontificale pour la protection des mineurs, vise à ne pas heurter les victimes de l’artiste slovène, accusé d’abus sexuels, psychologiques et spirituels. Ces suppressions concernent notamment les contenus illustrés par ses mosaïques sur le site Vatican News. Ce geste s’inscrit dans un contexte de plus grande vigilance affichée par l’Église, alors que Rupnik fait actuellement l’objet d’un procès canonique initié en 2024 par le Dicastère pour la doctrine de la foi.

Les accusations portées contre Marko Rupnik remontent aux années 1980 et s’étendent sur plus de trois décennies. Selon les témoignages réunis, le prêtre jésuite aurait agressé entre vingt et trente femmes, principalement des religieuses. En 1982, il cofonde à Ljubljana la communauté Loyola, exclusivement féminine, au sein de laquelle il aurait exercé une emprise spirituelle et psychologique pour abuser de ses membres. Usant de son autorité religieuse, il aurait justifié ses actes par des arguments théologiques, plongeant ses victimes dans une confusion morale profonde. Ces abus se sont poursuivis au-delà de la communauté, mettant en lumière une prédation systémique.

Mosaïques réalisées par Marko Rupnik sur la façade de la basilique Notre Dame du Rosaire à Lourdes. © Dennis Jarvis, 2014, CC BY-SA 2.0
Mosaïques réalisées par Marko Rupnik sur la façade de la basilique Notre-Dame du Rosaire à Lourdes.
© Dennis Jarvis, 2014

Parallèlement à sa trajectoire religieuse, Rupnik est devenu une figure de l’art sacré contemporain. Son langage esthétique, fortement inspiré de l’iconographie byzantine, combine stylisation des formes et symbolisme théologique. Il a notamment réalisé la façade du Rosaire à la basilique de Lourdes, où cinq mosaïques illustrent les mystères lumineux du Christ. Ses œuvres ornent également des sanctuaires à Rome, Washington, Fatima ou encore Damas. Le Centre Aletti, qu’il dirige depuis 1995, fondé à Rome par Jean-Paul II, lui a servi de plateforme pour diffuser son influence artistique et former de jeunes créateurs dans une perspective théologique.

Les conséquences disciplinaires à l’encontre de Rupnik se sont accélérées ces dernières années. Déjà brièvement excommunié en 2020 pour avoir absous une femme avec laquelle il entretenait une relation sexuelle, il a été suspendu de ses fonctions en 2022 par l’ordre des jésuites, puis définitivement expulsé de la Compagnie de Jésus en juin 2023. Cette exclusion a été suivie de la levée de la prescription canonique qui le protégeait jusqu’alors. Le procès actuellement en cours, mené par un tribunal indépendant, constitue une étape inédite dans le traitement des affaires d’abus dans l’Église catholique, malgré le maintien d’une certaine opacité.

La question du maintien des œuvres de Rupnik dans l’espace sacré est désormais débattue. À Lourdes, les mosaïques qu’il a réalisées sur la basilique du Rosaire ne seront pas démontées, mais elles ne seront plus éclairées la nuit, et certaines sont désormais recouvertes de panneaux. D’autres sanctuaires, comme ceux de Fatima ou de San Giovanni Rotondo, réfléchissent à des mesures similaires. Si aucune directive n’a été édictée par le Vatican, la tendance générale est à la mise à distance symbolique, sans effacement physique. Une manière, pour l’Église, de répondre à la crise sans déclencher un effacement de son patrimoine contemporain.

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