Ces obscurs objets du design

Le temps venu

Par Christian Simenc · Le Journal des Arts

Le 23 novembre 2001 - 696 mots

Après un travail de plus de dix ans, Philippe Starck crée enfin sa première montre. Lancée en grande pompe le 13 novembre, à New York, la Starck Watch est la première d’une gamme de montres digitales, dont le dernier modèle est appelé... à se fondre sous la peau. Chronique d’une disparition annoncée.

Il aurait pu l’appeler la S’Watch... mais le nom était déjà pris. Alors il l’appellera, plus trivialement, la Starck Watch. Pour baptiser sa première montre, Philippe Starck qui, d’habitude, est le roi du jeu de mots et du patronyme drôle n’a cette fois, étonnamment, pas fait “montre” d’une grande inspiration. Après un passage, “bizness” oblige, au Salon de l’horlogerie de Bâle, en mars dernier, suivi d’une timide sortie en septembre sur le marché européen, la Starck Watch a donc été lancée officiellement le 13 novembre, à New York. Cette première montre est le résultat d’une recherche que Starck mène depuis une dizaine d’années, notamment avec son collaborateur Thierry Gaugain. On se souvient de la gigantesque horloge qui trônait en bonne place dans feu le café Costes (1984), à Paris, éloge surdimensionné au temps qui passe. Or Starck n’avait jusqu’alors jamais réussi à cantonner quelques centimètres carrés de ce temps sur un poignet. Ou, plus exactement, aucun industriel horloger n’avait tenté, avec lui, l’aventure de la “machine à recompter le temps”. Même la Low Cost Watch qu’il propose, en 1998, à la chaîne japonaise de magasins 7-Eleven restera lettre morte. Starck fignole alors sa digitale esquisse et se tourne vers le fabricant américain Fossil. Après moult déceptions, cette fois sera la bonne.

Le projet, ambitieux, s’appelle “From One to Z”... de 1 à Z. Il s’agit désormais de créer toute une gamme de montres, dont la Starck Watch 1 ne représente en fait que la première phase. Une montre qui joue décidément du paradoxe, car elle se revendique à la fois plus et moins qu’une montre traditionnelle. Plus, car, selon Thierry Gaugain, “la technologie permet aujourd’hui d’avoir au poignet un véritable ordinateur portable”. Ce que Starck appelle “un terminal polyvalent”. Demain, une montre digitale pourra ainsi accueillir de multiples services, tels un téléphone ou un tableau de bord de santé. Une Palm Watch, version “gourmette” du célèbre Palm Pilot, est d’ailleurs à l’étude. Mais cette montre se veut surtout moins qu’une montre traditionnelle. Starck préfère, lui, parler de “bracelet intelligent”. D’où ce boîtier ultracompact qui ne déroge pas au gabarit du bracelet. “Demain sera moins !, assure Starck : Des objets qui nous entourent, la compétence augmente et le volume décroît.” Pas étonnant donc si l’argument de poids de cette montre est justement son non-poids : à peine plus de 40 grammes. Et ce n’est qu’un début. Car, depuis quelques années déjà, Starck prône tout bonnement “la disparition”. En clair : “Enlever du volume, enlever du poids, enlever des détails et surtout enlever toute idée de design !” La fameuse phase Z du projet Fossil n’est autre qu’une montre... sous-cutanée. Dépassés les “habits communicants” développés actuellement par Philips, Alcatel, France Télécom ou Olivier Lapidus, ces minicircuits électroniques, intégrés aux vêtements, permettent un accès multimédias. Docteur Starck et Mister Gaugain, eux, intègrent l’électronique sous la peau. “En chirurgie cardiaque, les piles et autres pacemakers cohabitent sans problèmes avec le corps humain, observe Thierry Gaugain. Et en chirurgie réparatrice, des produits peuvent aujourd’hui rendrent la peau transparente.” D’où, cette idée de glisser directement la montre sous l’épiderme. Résultat : un poignet nu et une montre qui ne se montre plus. À bientôt cinquante-trois ans, Starck serait-il devenu un gourou de la biotechnologie pure ? Même la marque – Fossil – plaide en sa faveur. Un fossile n’est-il pas l’empreinte d’une plante ou d’un animal sur une roche... Et l’empreinte d’une montre sur un poignet, le rêve de Starck ?

- La Starck Watch 1 de Fossil, boîtier en plastique et bracelet en polyuréthane (8 coloris, dont noir, blanc, bleu, orange et plusieurs nuances de gris), est vendue à partir de 895 francs. Au menu : double fuseau horaire, double alarme, date, chronomètre, compte à rebours et éclairage de l’affichage. Des modèles avec bracelet en acier inoxydable devraient sortir en 2002. Renseignements au 03 88 02 18 18.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°137 du 23 novembre 2001, avec le titre suivant : Le temps venu

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