Décentralisation

Le Mucem en sursis ?

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 4 février 2005 - 543 mots

Rumeurs ou communication maladroite ? Sur fond de querelles politiques locales,
l’avenir du premier musée national délocalisé en province semble incertain.

 MARSEILLE - Après les retards subis par le projet du Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (Mucem), mis en concurrence pour l’obtention du site avec la Coupe de l’America, les financements tarderaient maintenant à venir. Dans son édition du 12 janvier, l’hebdomadaire local Marseille l’Hebdo n’hésitait pas à lancer la polémique, affirmant que le Mucem « avance lentement mais sûrement, vers... un enterrement de première classe ». À l’origine de cette inquiétude, une phrase glissée dans la présentation du budget 2005 du ministère de la Culture : « La poursuite du projet du Mucem, qui a fait en 2004 l’objet d’une ouverture de 5,5 millions d’euros d’autorisation de programme, ne nécessite pas l’inscription de crédits nouveaux en 2005, année de conduite des études d’avant-projet. » En d’autres termes, tant que les travaux ne seront pas lancés, c’est-à-dire à la mi-2006, le Mucem n’obtiendra pas davantage d’argent de l’État. Or ce projet pharaonique, prévoyant la construction d’un nouveau bâtiment, la restauration du fort Saint-Jean, la construction de nouvelles réserves et le déménagement du Département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (DRASSM), pour une enveloppe totale de plus de 144 millions d’euros, doit être financé à 60 % par l’État. Du côté du ministère, on affirme qu’une nouvelle ouverture de programme n’était pas nécessaire en phase d’avant-projet. Même calme affiché dans l’agence de Rudy Ricciotti, l’architecte lauréat du concours, où l’on peaufine les esquisses, après avoir « signé un contrat en bonne et due forme ».

Convoitises
Annoncé en 2004 comme le « premier exemple de délocalisation d’une institution culturelle » par Jean-Jacques Aillagon, alors ministre de la Culture, le Mucem a été créé pour revitaliser l’ancien  Musée national des arts et traditions populaires du bois de Boulogne, à Paris, en élargissant sa définition au champ culturel de la Méditerranée. Toutefois, ni son contenu ni son implantation, sur un site sensible à l’entrée du port, n’ont jusque-là fait l’unanimité à Marseille. Mais les organisateurs de la Coupe de l’America ayant préféré Valence, rien ne pouvait plus s’opposer aux desiderata de l’État, d’autant que le Mucem n’est qu’un maillon des grands travaux de remodelage du front de mer menés depuis dix ans dans le cadre de l’opération Euroméditerranée. Jadis boudée par les édiles locaux, cette reconquête de terrains situés dans le périmètre du port attise aujourd’hui les convoitises et devient l’enjeu d’âpres batailles politiques. Ainsi, dans le voisinage immédiat du Mucem, le conseil régional, présidé par le socialiste Michel Vauzelle, entend construire une « Villa de la Méditerranée », au contenu incertain et peu du goût du président d’Euroméditerranée, qui n’est autre que son rival politique, le maire de la ville, Jean-Claude Gaudin. L’argument d’une impossible « cohabitation esthétique » avec le Mucem pourrait aboutir à une remise en question du projet régional. Mais ces querelles politiciennes ne font pour le moment que desservir la cause d’un musée déjà mal compris des Marseillais, qui assaillent de questions le personnel de la petite exposition de préfiguration, installée à l’étroit dans une tour du fort Saint-Jean.
Le ministre de la Culture devait d’ailleurs se rendre sur place le 2 février pour calmer les esprits.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°208 du 4 février 2005, avec le titre suivant : Le Mucem en sursis ?

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