L’ouvrage rassemble neuf essais de Cyril Gerbron sur la peinture religieuse de la Renaissance italienne, publiés à titre posthume.
Quelle relation entre le Christ et une pierre ? Entre un songe et un rocher ? Sous ce titre poétique se dessine toute une réflexion sur la richesse sémantique des images à la Renaissance. L’ouvrage réunit neuf essais de Cyril Gerbron, initialement parus dans diverses revues scientifiques et ouvrages spécialisés. Disparu en 2019 à l’âge de trente-six ans, l’historien de l’art était spécialiste de peinture religieuse, grand connaisseur de la théologie dominicaine et de l’œuvre de Fra Angelico (1395-1455). La réunion de ses recherches éparses donne lieu à un livre sans progression linéaire, qui peut paraître de prime abord décousu. Mais chaque essai obéit au même modus operandi : partir d’une œuvre – plus ou moins connue – pour révéler un réseau complexe de significations, et ainsi mieux saisir les ressorts et enjeux de l’imaginaire chrétien de l’époque.
L’ouvrage, pointu, n’est pas une porte d’entrée vers la peinture religieuse italienne. Il s’adresse sans équivoque à un lectorat déjà connaisseur. Cyril Gerbron y pose des hypothèses, propose des analyses poussées, convoque une grande culture théologique. Il interroge la place du regardeur face aux fresques du baptistère de Sienne, pointe les ambiguïtés des décors de Luca Signorelli (env. 1450-1523) à la Cappella Nova d’Orvieto, ceux de Bronzino (1503-1572) au Palazzo Vecchio de Florence… Les premiers essais, particulièrement intéressants, se concentrent sur le motif de la pierre. Des grottes au sol rocheux, du marbre au porphyre, du tombeau du Christ à la pierre avec laquelle saint Jérôme se frappe le torse… L’omniprésence du minéral dans l’art religieux interroge. Surtout, Cyril Gerbron démontre que sa présence, au-delà d’une simple valeur esthétique, revêt bien souvent une signification profonde. « Tout d’abord, une pierre peut symboliser le Christ », rappelle-t-il, s’appuyant sur de nombreux passages bibliques qui les associent. Cette riche connaissance textuelle transparaît dans chaque essai, où l’œuvre est constamment pensée à l’aune des écrits religieux.
« Jacques de Voragine explique déjà que les pierres “n’ont que l’existence” ; elles sont une manifestation de choses fondamentales – la matière, l’existence – et donnent ainsi accès à ce que l’on pourrait définir comme une “essence” », ajoute-t-il. Ainsi, la pierre contre laquelle l’on s’endort peut se faire véhicule d’une expérience visionnaire. Celle présente dans une Résurrection, étant par essence associée à la notion de corporalité, prend aussi tout son sens. Tout comme un mur de pierres fissuré, marqué par des trous de maçonnerie, peut faire allusion à la reconstruction du Temple promise par le Christ. Grande force de sa pensée, Cyril Gerbron replace sans cesse toutes ces œuvres dans leur contexte, aussi bien historique que topique. En tant que décor de chapelle contemplé par les fidèles, une fresque doit être pensée dans son efficacité dévotionnelle. Et une pierre peinte peut, quant à elle, faire écho à la pierre bien réelle qu’est l’autel lorsqu’elle se trouve à sa proximité.
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Le minéral dans l’art religieux
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°664 du 31 octobre 2025, avec le titre suivant : Le minéral dans l’art religieux





