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Le jour où la Chine s’affichera

Par Gilles de Bure · L'ŒIL

Le 1 juillet 2000 - 504 mots

Des siècles, des millénaires de calligraphie, de pictographie et d’idéographie. En la matière la Chine est, plus encore qu’un pays de tradition, un univers fondateur. Survint, en 1949, la grande révolution prolétarienne, et l’horizon devint uniformément rouge. À la tradition succéda l’hagiographie. Une hagiographie visuelle triomphante et conquérante certes, mais parfaitement inscrite dans une idéologie d’images pieuses. Et que n’infléchit aucun des bouleversements et avatars de l’histoire chinoise (la révolution culturelle, des cent fleurs ou encore du grand bond en avant).Pourtant, depuis quelques années, la Chine s’ouvre aux influences graphiques extérieures. À cela, une foule de raisons avec en tête l’ouverture économique, la normalisation progressive des relations avec le Japon, le retour de Hong Kong dans le giron de la mère patrie, le dégel des tensions avec les États-Unis. Bref, depuis une douzaine d’années, l’affichisme tel que nous l’entendons en Occident s’est installé et développé en Chine. Avec, bien sûr, pour point d’ancrage Hong Kong dont la réalité économique ne date pas d’hier. La galerie Anatome présente actuellement quatre affichistes chinois contemporains de grand renom. Un Cantonais, Wang Xu, et trois Hong Kongois, Freeman Lau, Kan Tai-Keung et Tommy Li. Il s’agit là d’une véritable révélation tant chacun d’entre eux témoigne d’une parfaite maîtrise des codes et des règles de l’affiche. D’ailleurs, les récompenses et distinctions qu’ils cumulent en témoignent. Maîtrise des règles et des codes donc, mais à l’évidence, encore des hésitations et des tâtonnements en ce qui concerne l’écriture. Chez les quatre affichistes présentés, se rencontrent et se télescopent des emprunts et des citations où dominent l’école polonaise et l’école japonaise, et où flamboient le Français Cieslewicz, le Japonais Fukuda et le Polonais Starowieyski. Un choix d’influences au demeurant parfait.Parmi eux, Freeman Lau, 42 ans, né à Hong Kong et par ailleurs également sculpteur. Depuis quinze ans, Lau a multiplié les collaborations, accumulé expositions et récompenses, et participé à de très nombreux événements internationaux. Graphiste engagé, il a fréquemment œuvré en faveur d’organisations telles que Friends of the Earth, World Nature Foundation ou encore World Vision/30 hours Famine. Avec un vocabulaire plastique assez proche de celui du Japonais Shigeo Fukuda, il arrive à combiner admirablement tradition et modernité. Son graphisme épuré et résolument contemporain semble pourtant contenir toute la mémoire visuelle de la Chine éternelle. L’omniprésence du corps humain, de silhouettes assises, de corps pliés, rappelle étrangement les idéogrammes chinois, tout autant que son utilisation de la couleur ramène aux lavis immémoriaux de l’Empire du milieu. Depuis 1996, Freeman Lau est associé avec Kan Tai-Keung au sein de Kan & Lau Design Consultants, le plus prolifique studio de graphisme de Hong Kong et de la Chine, tant au plan de la quantité que de la qualité. L’un comme l’autre, l’un et l’autre, en combinant astucieusement classicisme et innovation, symbolisent l’émergence d’une véritable école encore balbutiante quoique déjà internationalement reconnue et qui, au fil du temps, risque fort de devenir à son tour une référence et un exemple.

PARIS, galerie Anatome, 38, rue Sedaine, 75011,tél. 01 48 06 98 81, jusqu’au 29 juillet.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°518 du 1 juillet 2000, avec le titre suivant : Le jour où la Chine s’affichera

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