Le cœur de Bangkok menacé

Le Journal des Arts

Le 19 avril 2002 - 479 mots

Devant le projet gouvernemental
de transformer le centre historique de Bangkok en un pseudo-parc patrimonial, une contestation d’universitaires soutenus par des institutions étrangères s’est peu à peu fait entendre. Conçu en 1997, le programme souhaite ajouter des infrastructures modernes à ce quartier parmi les plus anciens de la capitale thaïlandaise.

BANGKOK (de notre correspondant) - Adopté en mai 1997, le projet d’un “parc du patrimoine national” dans le cœur de la vieille ville de Bangkok, récemment relancé par le gouvernement thaïlandais, a provoqué à l’étranger une levée de boucliers. À l’initiative de l’université Cornell, dans l’État de New York, une pétition a été signée par des institutions du monde entier afin de faire pression sur le gouvernement. Les principaux monuments du quartier du palais désormais appelé “Krung Rattanakosin” ou “Le vieux Rattanakosin” devraient certes être restaurés. Toutefois, la zone résidentielle de ce quartier serait démolie et transformée en jardins, et toute construction postérieure à 1910 serait également détruite. Ce projet qui s’élèverait à 1,5 milliard de baths (39,2 millions d’euros) aurait pour finalité “d’élargir la perspective sur les palais et les temples qui font la fierté de notre pays”, selon Adul Wichienchareon, membre du Comité pour la conservation et le développement de la ville de Rattanakosin. Les petites échoppes typiques en plein air seraient éliminées parce qu’elles “blessent la vue”, mais les grands magasins, eux, seraient conservés car ils “ne perturbent pas la beauté de la ville”. La zone en question est constituée des symboles de la nationalité thaï – le Palais royal, le temple Pho, le Musée national, les universités Thammasat et Silpakorn – ainsi que le quartier résidentiel le plus charmant et le plus ancien de Bangkok, et le quartier des artistes. Les habitations de quelque 200 000 personnes, majoritairement de revenus moyens, seraient démolies et feraient alors place à des quartiers commerciaux bien délimités et conçus pour les touristes. “En termes de fonction, le résultat n’est pas différent de celui de Disneyland”, déclare Charnvit Kasetsiri, un des chefs de l’opposition au gouvernement, également historien à l’université Thammasat. Nombreux sont ceux qui imaginent l’université – siège du mouvement démocratique et des opposants aux politiciens néo-dictatoriaux, comme Chalavit, et au Premier ministre actuel, Thaskin Shinawatra – être la cible réelle du gouvernement. Ses étudiants de premier cycle ont déjà été déplacés dans une banlieue lointaine et le projet prévoit de réinstaller ailleurs la totalité de ses enseignants et étudiants avant 2017. Devant les protestations qui s’élèvent à Thammasat, l’administration a annoncé en mars que “tous les bâtiments historiques seront conservés, sans exception” autour des universités. Les démolitions permettraient l’installation d’infrastructures modernes : “ce sera un mélange homogène d’ancien et de nouveau”, a promis Prasong Ienaman du Comité Rattanakosin, qui parlait au nom du gouvernement. Toutefois, le suivi du programme du gouvernement thaï semble si aléatoire que quelques années peuvent encore s’écouler avant que de nouvelles décisions soient prises.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°147 du 19 avril 2002, avec le titre suivant : Le cœur de Bangkok menacé

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