Pays-Bas - Architecture

Urbanisme

La ville de demain

Par Christian Simenc · Le Journal des Arts

Le 1 août 2007 - 959 mots

Avec « Rotterdam 2007 », la ville portuaire des Pays-Bas se penche sur son patrimoine et pense à l’avenir.

ROTTERDAM - Rares sont les villes qui prennent à bras-le-corps le thème de l’architecture pour susciter l’intérêt de leurs concitoyens. Rotterdam (Pays-Bas) est une exception à la règle. Après avoir institué, depuis 2003, une Biennale internationale d’architecture (lire le JdA no 172, 30 mai 2003, p. 9), la ville prend cette année le taureau par les cornes en lançant pour la première fois une manifestation encore plus vaste intitulée « Rotterdam 2007, ville de l’architecture ». Au menu, d’ici à la fin de l’année : une multitude d’événements qui vont d’une installation spectaculaire et florale du fameux paysagiste local Adriaan Geuze (Ville en feu/ville en fleurs, Schouwburgplein, jusqu’au 24 juin) à un « Festival du film d’architecture » sur le thème de « L’horizon » (Lloydkwartier, du 11 au 14 octobre), en passant par « Follydock », une vingtaine de « maisons folies » édifiées non loin du port (Heijplaat, jusqu’au 9 septembre). Bref, « Rotterdam 2007, ville de l’architecture » fait office de contrepoint ludique à une Biennale davantage portée sur la théorie.
La plupart des expositions ont été inaugurées les 24 et 25 mai, notamment celles hébergées par les grandes institutions du « quartier des musées ». Ainsi au NAI (Institut néerlandais d’architecture), où, outre une vaste exposition sur Le Corbusier, sont déployés sous l’intitulé « Un monde meilleur » (jusqu’au 21 octobre) quatre projets dits « subversifs ». Ceux-ci abordent l’architecture par le biais du social, à l’image du collectif FAST (Amsterdam) et de l’étrange destinée de l’hôtel Abkhazia, à Tbilissi (Géorgie). Construit dans les années 1950, cet édifice de 300 chambres qui accueille, depuis 1991, 250 familles de réfugiés d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud, devrait cette année être transformé en… espaces de bureaux. Compensation : 10 000 dollars (7 500 euros) par famille. Destination des réfugiés : inconnue. Où réapparaîtront-ils ? La question reste en suspens…

Ville « flashy » ou cachée ?
À quelques pas du NAI, le Boijmans Van Beuningen Museum est lui aussi de la partie. Il accueille pour l’occasion une exposition intitulée « Wimby ! » (jusqu’au 19 août), qui conte les transformations d’une ville-satellite de la banlieue de Rotterdam, Hoogvliet, où démolitions et reconstructions se sont succédé. Édifiée dans les années 1950, la ville sert en quelque sorte, depuis 2001, de laboratoire d’architecture grandeur nature.
Mais c’est à la Kunsthal que se trouve le plat de résistance, avec l’exposition majeure de la troisième Biennale internationale d’architecture. Cette dernière a choisi cette année un thème costaud, « Pouvoir visionnaire, produire la ville contemporaine » (jusqu’au 2 septembre), avec en corollaire une problématique essentielle : « Qui produit la ville et quel rôle les architectes et les urbanistes peuvent-ils jouer ? » Les organisateurs de la Biennale n’y vont pas par quatre chemins et affichent d’entrée de jeu un chiffre effrayant : 150 000 personnes par jour quittent leur existence rurale pour démarrer une nouvelle vie en ville. « Imaginez, expliquent-ils : une nouvelle Rotterdam tous les cinq jours, une nouvelle Shanghaï ou New York tous les trois mois… Les chiffres ne mentent pas : outre les changements climatiques, le futur de la ville est le défi du XXIe siècle ». Une quinzaine d’agences du monde entier (Kazakhstan, Brésil, Corée du Sud, Autriche…) ont donc été invitées à dévoiler leurs réflexions sur le sujet. Celles-ci ont identifié cinq types de cités : la « ville-marque », à l’architecture « flashy » façonnée par les multinationales ; la ville-spectacle, qui, pour attirer les touristes, se lance dans une course aux labels patrimoniaux et aux grands événements sportifs ; la « ville capitale » – « capital » étant pris au sens d’économie de marché, non pas en tant que centre culturel, économique et politique d’un pays – ; la ville cachée – les no man’s land où campent les réfugiés – ; enfin, la ville informelle (« au moins un tiers des villes d’Asie, d’Afrique et d’Amérique du Sud sont aujourd’hui des favelas, des townships ou des bidonvilles »).
Si les architectes dénoncent les effets pervers de ces cinq grands thèmes urbains, ils proposent aussi des solutions afin que l’architecture puisse offrir un rempart à ces dysfonctionnements. Le grand mérite de cette exposition est de mettre en lumière quelques-uns des « pouvoirs » et « forces » qui régissent la planète. Et la volonté d’agir sur eux coûte que coûte est évidemment salutaire. D’autant que cette année 2007 marque un tournant dans l’histoire humaine. Pour la première fois en effet, plus de la moitié de l’humanité vit dans les villes. Ce chiffre devrait même atteindre les deux tiers de la population mondiale avant 2050. Il y a donc urgence.

www.rotterdam2007.nl et www.iabr.nl

Rotterdam 2007, ville d'architecture

Découvrir cent ans d’architecture moderne à travers quarante bâtiments emblématiques, voici ce que propose le parcours « Sites & Stories » [« Des édifices et des histoires »], lequel se déploie dans tout le centre-ville de Rotterdam, de la gare centrale, au nord, jusqu’à la rive sud de la Meuse. On y retrouve évidemment le mythique café De Unie (J.J.P. Oud, 1924-1925, reconstruit en 1986), qui n’est pas sans évoquer le travail de Mondrian ou celui de Rietveld, l’élégant grand magasin De Bijenkorf (M. Breuer et A. Elzas, 1955-1957), les étonnantes maisons-cubes (P. Blom, 1978-1984), le restaurant Blits à flanc de fleuve (Mecanoo Architecten, 1989-1990), le pont Erasmus, élancé (Van Berkel & Bos, 1990-1996), ou encore, le Collège de la navigation et des transports (Neutelings Riedijk, 2001-2005), planté comme une vigie dans le port. Devant chaque édifice, le visiteur pourra, muni d’un casque, entendre une histoire condensée dudit bâtiment avec, selon les cas, des montages mixant sons d’époque et plages musicales. Par ailleurs, ces quarante édifices sont identifiables de nuit comme de jour. Ils bénéficient en effet d’une signalétique baptisée « Cliffhangers » et réalisée par le Studio VollaersZwart. Ce dernier a, pour chaque bâtiment, sélectionné un fragment caractéristique et l’a habillé de couleur pourpre. Ainsi, sur le célèbre centre médical Erasmus (OD 205, 1965-1968), se distinguent parfaitement quelques panneaux de façade provisoirement colorés, lesquels ont, à l’origine, été dessinés par… Jean Prouvé. Jusqu’au 22 septembre.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°261 du 8 juin 2007, avec le titre suivant : La ville de demain

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