La propriété d’un bas-relief du Musée d’Orsay contestée

Victime d’un vol, un couple en réclame la restitution

Le Journal des Arts

Le 1 avril 1996 - 646 mots

Un bas-relief en plâtre, exposé au Musée d’Orsay, se trouve au cœur d’une \"action en revendication et en restitution\" engagée par un couple parisien. Teresa et Jean-Pierre D. prétendent que L’Histoire de Psyché, 1887, leur a été volée lors d’un cambriolage.

PARIS - En octobre 1968, pour la somme de 250 livres, Teresa G., la future madame D., achète à la galerie Fine Art Society de Londres un triptyque en plâtre de Harry Bates (1850–1899), intitulé The Story of Psyche. Caractéristique de la période symboliste anglaise de 1870 à 1890, l’œuvre est entourée d’un beau cadre de bois doré. En février 1985, lors d’un cambriolage, ce bas-relief disparaît de la maison de campagne normande que Teresa D. partage avec son époux Jean-Pierre.

Un antiquaire de la banlieue parisienne
En septembre 1991, Teresa D. est stupéfaite de voir le triptyque, dans son cadre doré d’origine, au Musée d’Orsay. Une visite, le lendemain, aux archives du musée, lui apporte les preuves que L’Histoire de Psyché a été arrêtée en douane en 1988, et achetée à son propriétaire, Jean Zeitoun, demeurant à Fontenay-aux-Roses. Se disant "cadre à la retraite et collectionneur", celui-ci nous a confirmé qu’en 1988, alors qu’il essayait de l’exporter pour le revendre chez Sotheby’s, la douane avait arrêté le plâtre – qu’il dit avoir acheté auprès d’un antiquaire de la banlieue sud de Paris. Jean Zeitoun dit avoir été payé pour l’objet "autour de 80 000 francs, bien moins que l’estimation de Sotheby’s".

Teresa D. a trouvé dans les archives du Musée d’Orsay la photocopie de l’étiquette de la Story of Psyche, sur papier à en-tête de la Fine Art Society, ainsi que toute la correspondance relative à son acquisition, après sa saisie en douane. Ainsi, le conservateur Antoinette Le Normand Romain a écrit, le 13 mai 1988, à Edward Morris, conservateur aux National Museums and Galleries on Merseyside de Liverpool, pour demander des renseignements sur L’Histoire de Psyché, dont plusieurs exemplaires en plâtre ont été édités, et dont le musée, lui explique-t-elle, veut se porter acquéreur. Edward Morris ayant répondu que le plâtre saisi pouvait très bien être l’original, Françoise Cachin, alors directeur du Musée d’Orsay, écrit le 2 juin 1988 à Jean-René Gaborit, conservateur en chef des sculptures au Louvre pour lui exprimer son désir de voir l’œuvre symboliste entrer à Orsay.

Rigoureusement le même cadre
Le 4 mars 1994, en présence de Jean-Pierre D. et du conservateur Anne Pingeot, Peyton Skipwith, directeur de la Fine Art Society examine le plâtre du Musée d’Orsay et confirme qu’il s’agit bel et bien de l’œuvre achetée chez lui par Teresa D. D’autres exemplaires du plâtre avaient été vendus par sa galerie, explique-t-il, mais aucun n’a jamais été encadré de façon identique. Or, le cadre du plâtrequi se trouve au Musée d’Orsay est rigoureusement le même que celui du tryptique acheté par Teresa D. en 1968.

Le Musée d’Orsay ayant refusé de restituer le plâtre, Teresa et Jean-Pierre D. ont entamé une procédure. Après une première audience de procédure, le 13 mars, l’affaire devrait être plaidée avant l’automne. "J’apporte les preuves que l’œuvre appartient à mes clients," explique Jean-Pierre Emié, l’avocat des D., qui s’étonne que la Direction des Musées de France n’ait pas été "plus vigilante" quant à l’origine du plâtre.

Le Musée d’Orsay s’est refusé à tout commentaire. Du côté des Musées de France, on souligne que le triptyque de Bates a été acquis "de bonne foi". "Quant aux circonstances de l’acquisition en douane, les vérifications auxquelles l’État se livre en pareil cas de rétention, selon la loi de 1941, ont été faites. Quant aux droits à la propriété des D., c’est au juge de se prononcer," nous a-t-on indiqué.

Au strict plan du droit, cette action paraît vouée à l’échec, le code civil français prévoyant en effet un délai de prescription de trois ans après la perte ou le vol pour introduire une action en revendication.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°24 du 1 avril 1996, avec le titre suivant : La propriété d’un bas-relief du Musée d’Orsay contestée

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