Belgique - Archéologie

PATRIMOINE ARCHÉOLOGIQUE

La Flandre, terrain de jeu des détectoristes

La multiplication de rallyes ouverts à ces amateurs suscite l’inquiétude d’historiens et d’archéologues.

Homme cherchant un trésor avec un détecteur de métaux © PxHere, CC0 domaine public
Un chercheur de trésor œuvrant avec un détecteur de métaux.

Belgique. Le 2 juillet 1747, à Lauffeld, aujourd’hui dans la commune de Riemst, en Belgique, non loin de Maastricht, une bataille a opposé les troupes françaises menées par le maréchal de Saxe aux troupes coalisées des Provinces-Unies de Guillaume d’Orange, renforcées par des bataillons venus d’Autriche et d’Angleterre. L’affrontement aurait fait 17 650 morts, dont de nombreuses dépouilles ont été enterrées sur place.

Des siècles plus tard, c’est un contingent plus modeste, d’une soixantaine de détectoristes amateurs brandissant leurs détecteurs de métaux, qui a envahi les abords du champ de bataille, pour un événement organisé par le club Metaalstrijd. Au bout d’une journée de recherches, 400 trouvailles ont été annoncées et recensées par les participants. On y trouve pêle-mêle des pièces de monnaie des XVIe-XVIIe siècles, des boucles de ceinture, des balles de mousquet et même une hache plate de l’âge du bronze. L’organisateur engage chacun des inscrits à photographier sa trouvaille et à l’inscrire sur une application avec sa localisation GPS. Une équipe d’historiens se tient à disposition pour une première identification des découvertes. Légalement, toutes ces pièces appartiennent conjointement à celui qui en fait la découverte et au propriétaire du terrain, mais, selon l’organisateur, ces derniers permettent le plus souvent aux détectoristes de les emporter.

Une législation très tolérante

En 2016, la Flandre décide d’autoriser, pratiquement sans restriction, la recherche d’objets archéologiques à l’aide de détecteurs de métaux, ce qui en fait une des réglementations parmi les plus permissives d’Europe. Pour assouvir sa passion, le chasseur de trésor est seulement tenu de s’inscrire auprès de l’agence du patrimoine pour être agréé et obtenir une autorisation, à vie, de détecter. Signe de l’engouement ainsi créé pour ce hobby, le nombre de détectoristes amateurs enregistrés en Flandre est passé entre 2017 et 2022 de 1 633 à 7 278. Et, selon les chiffres de l’agence flamande du patrimoine, seuls 60 parmi ces 7 278 détectoristes agréés déclarent leurs découvertes annuellement (chiffres 2021). 6 805 (93 %) d’entre eux n’ont jamais rien signalé.

Pour la branche belge d’Icofort, comité scientifique international d’étude et de conservation du patrimoine archéologique militaire, cette permissivité est source de dégradations irréversibles pour un patrimoine archéologique fragile. Soutenus par des historiens universitaires, ses membres s’en sont inquiétés auprès du ministre flamand chargé du patrimoine. Lorsque les détections sur des champs de bataille ne respectent pas les méthodes scientifiques appropriées, une source unique et précieuse d’informations sur le déroulement des batailles, comme sur l’évolution des guerres en Europe, ne peut être exploitée. « Dans la plupart des cas, la recherche scientifique n’est dès lors plus possible car l’emplacement exact de la découverte n’a pas été relevé et les objets trouvés n’ont pas été numérotés et conservés séparément », explique ainsi Marc Brion. Il y a un an déjà, Icofort a soumis différentes propositions au ministre et à l’agence du patrimoine. « Nous ne sommes pas contre les rallyes ou contre les détectoristes, tient-il à souligner. Ce que nous demandons, c’est un meilleur encadrement et un meilleur contrôle des détections. Un inventaire et une meilleure protection des sites permettraient par la suite d’interdire la détection dans des zones strictement délimitées de sites importants reconnus comme éléments patrimoniaux précieux. »

Pour Pieterjan Deckers, cette polémique est contreproductive. Ce professeur d’archéologie à la KU de Leuven collabore avec des détectoristes amateurs depuis une dizaine d’années. « Ils maîtrisent la technologie de la détection d’objets métalliques avec laquelle les archéologues ne sont pas toujours familiers. Ils sont généralement demandeurs d’un cadre qui respecte les protocoles scientifiques. C’est un hobby qui ne peut que prendre de l’ampleur comme on le voit aux Pays-Bas, au Danemark et en Angleterre. On a donc tout intérêt à trouver un cadre pour intensifier la collaboration entre amateurs et scientifiques. »

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°630 du 29 mars 2024, avec le titre suivant : La Flandre, terrain de jeu des détectoristes

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