États-Unis - Justice

La fille du marchand Latchford transige avec les autorités américaines

Par Louise Wagon · lejournaldesarts.fr

Le 28 juin 2023 - 683 mots

NEW YORK / ÉTATS-UNIS

Elle renonce à une statue en bronze et à 12 millions de dollars liés à la vente d’artefacts volés et de contrebande. 

Statue en bronze de Durga datant du VIIe siècle pillée au Vietman. Cette photographie a été envoyée par Douglas Latchford en 2009 à des clients potentiels. © U.S. Immigration and Customs Enforcement
Statue en bronze de Durga datant du VIIe siècle pillée au Vietman. Cette photographie a été envoyée par Douglas Latchford en 2009 à des clients potentiels.
© U.S. Immigration and Customs Enforcement

C’est une affaire qui avait défrayé la chronique il y a quelques années. Les autorités américaines ont conclu un accord avec Nawapan Kriangsak (anciennement Julia Ellen Latchford Copleston), la fille du trafiquant d’antiquités khmères, Douglas Latchford (1931-2020). Selon les termes de l’accord, une somme de 12 millions de dollars sera confisquée ainsi qu’une statue en bronze du VIIe siècle représentant la déesse à quatre bras, Durga, volée en 2008 ou en 2009 et achetée par Latchford, avec des fonds illégaux, en 2009. 

Selon les éléments contenus dans la plainte déposée devant le tribunal de Manhattan, le 22 juin 2023, Latchford a reçu plus de 12 millions de dollars entre 2003 et 2020 dans ses comptes aux États-Unis et au Royaume-Uni en paiement de vente d’antiquités volées et de contrebande d’Asie du Sud-Est. 

Selon le procureur américain Damien Williams : « Douglas Latchford a gagné des millions en vendant des antiquités pillées sur le marché de l’art américain, cachant ses gains mal acquis à l’étranger. Cette action historique en confiscation et ce règlement montrent que nous suivrons sans relâche l’argent partout où il mènera pour lutter contre le commerce illicite du patrimoine culturel ». L’accord doit encore être examiné par un juge et ne constitue pas une admission de culpabilité de la part de Nawapan Kriangsak, précise le procureur. 

Cet accord fait suite à des années d’enquête par les autorités américaines sur la collection et les ventes de Douglas Latchford, considéré comme l’un des plus grands spécialistes des antiquités khmères, sur lesquelles il a écrit trois ouvrages. 

Les autorités ont commencé à se méfier de la nature des transactions de Latchford en 2012, lorsque Sotheby’s a mis en vente une statue en grès du Xe siècle, le Duryodhana bondissant, qu’il avait acquise plusieurs années auparavant. Une plainte civile avait été déposée au nom du Cambodge, affirmant que la statue avait été pillée dans un temple local. La vente avait été annulée et la statue restituée au Cambodge, en 2014. 

En 2016, Latchford est à nouveau dans le collimateur des autorités américaines lorsque Nancy Wiener, une galeriste new-yorkaise, est inculpée, accusée de possession de biens volés. Deux objets du Xe siècle, fournis par Latchford, figuraient dans les charges : une statue du dieu hindou Shiva et un Bouddha en bronze, assis sur un trône de Naga. La galeriste a plaidé coupable, admettant avoir acheté ces statues au collectionneur en sachant qu’elles avaient été pillées, puis les avoir vendues avec une fausse provenance. 

En 2019, Latchford est finalement inculpé pour vente de biens volés, contrebande, falsification de documents, fraude électronique et pour d’autres infractions liées à l’achat et à la vente d’antiquités pillées à Koh Ker, une ancienne capitale khmère. Mais l’acte d’accusation a été annulé en septembre 2020, en raison du décès du marchand.

En février 2021, Nawapan Kriangsak a annoncé que la collection d’antiquités khmères de son père, d’une valeur de 50 millions de dollars, réunissant 125 œuvres vieilles de 1 000 ans, serait rapatriée au Cambodge. 

En octobre 2021, de nouvelles preuves concernant les transactions illégales de Latchford sont révélées parmi les documents des Pandora Papers. Le collectionneur aurait créé des fiducies (des trusts en anglais) dans des paradis fiscaux pour dissimuler le trafic d’antiquités. Les deux trusts, nommés d’après les dieux hindous, Skanda et Siva, sont situés sur l’Île de Jersey et dans les Îles Vierges britanniques. 

Le Consortium international des journalistes d’Investigations – qui a permis la diffusion des documents – a révélé le nom de dix musées en possession d’œuvres vendues ou données par Latchford, dont le British Museum, le Denver Art Museum et le Metropolitan Museum of Art (Met), qui possède douze antiquités khmères provenant de la collection de Latchford. Après les révélations des Pandora Papers, le Denver Art Museum a restitué quatre artefacts pillés au Cambodge, tandis que les autorités cambodgiennes ont demandé au Met d’examiner sa collection, soupçonnant le musée de détenir quarante-cinq artefacts pillés de l’Empire khmer. En 2012, le Met avait déjà rendu au Cambodge deux statues données par Latchford. 
 

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