La FIAC mise sur l’amateur de design

Par Christian Simenc · Le Journal des Arts

Le 23 septembre 2005 - 779 mots

La foire accueille depuis 2004 un secteur consacré au design. Mais qui en sont les collectionneurs ? Essai de typologie.

A quoi ressemble un collectionneur du secteur design de la FIAC ? Il est encore difficile, après seulement une édition, celle de l’an passé, de cerner précisément les traits de cet acheteur type. Plusieurs indices permettent néanmoins d’en dresser un portrait-robot à peu près plausible. D’abord, il est, presque comme dans la chanson, âgé d’environ 27 à 77 ans et collectionne déjà de l’art contemporain. Il s’intéresse donc, de fait, à la production artistique du XXe siècle. Mais les personnalités sont légion. Le galeriste Éric Philippe, propriétaire de la galerie éponyme (à Paris), en a distingué quelques-unes : « Il y a les collectionneurs “art de vivre”, qui ont un bon budget pour se composer un intérieur qui leur convient, et ce, sans forcément cibler une période précise ; il y a ceux qui voyagent et ont envie d’un certain éclectisme, n’hésitant pas à mélanger les styles – américain, danois, japonais… – de manière harmonieuse ; il y a ceux qui veulent des choses que les autres n’ont pas, toujours en quête de la pièce unique ; enfin, il y a les plus radicaux qui se meublent entièrement et uniquement en une période donnée, comme les années 1950 avec le trio vedette Prouvé/Perriand/Mouille. » Pierre Staudenmeyer, de la galerie Mouvements modernes (Paris), a, lui, repéré une catégorie très singulière, ceux qu’il appelle les « antiquaires du futur, des collectionneurs quasiment professionnels, qui ont, par exemple, acheté du Garouste et Bonetti il y a quinze ans, du Bouroullec il y a cinq ans et qui achètent aujourd’hui du Konstantin Grcic ». Ces derniers temps, il a aussi vu arriver « beaucoup de femmes, jadis très réticentes aux derniers développements de l’art contemporain, mais qui y adhèrent aujourd’hui pleinement ». « Elles achètent un Picasso comme elles achèteraient un diamant, assure-t-il. Et l’avantage du design par rapport à l’art contemporain, c’est qu’on peut se l’approprier plus facilement. S’il est difficile de faire le pas avec une œuvre de Thomas Hirschhorn, ça l’est beaucoup moins avec une pièce d’Andrea Branzi ou de Ron Arad. » Quelques grands collectionneurs, enfin, sont venus en 2004 à la FIAC précisément pour le secteur design. « Je pense en particulier à deux grands collectionneurs américains, également collectionneurs d’art contemporain, qui ont fait le voyage exprès », note Philippe Jousse, de la galerie Jousse Entreprise (Paris). Mais ils sont très rares. Tout comme ont été rarissimes les « coups de foudre » pour une pièce ou les « ventes de passage ». « Nous avons eu très peu de nouveaux clients, peut-être 5 ou 10 % au maximum », indique Didier Krzentowski, de la galerie Kreo (Paris). « Pour ma part, je dirais que 85 % des acheteurs ont été nos clients habituels, confirme Éric Philippe. Si certains ont, en plus, acheté un tableau ou une photographie, l’inverse, un collectionneur du secteur art contemporain qui serait passé sur notre stand, s’est beaucoup moins produit. » Bref, tous s’accordent à dire que les visiteurs de la section design font partie de leur noyau traditionnel de clients. Tous sauf une, la galerie Downtown (Paris), qui, pour mieux confirmer la règle, soutient le contraire : « Si, évidemment, certains collectionneurs habituels sont venus, ils n’ont pas précisément acheté à la FIAC. La plupart des acquisitions, s’il fallait quantifier en pourcentage, je dirais qu’environ 85 % [d’entre elles] ont été faites par des nouveaux acheteurs », assure Sébastien Cambray, responsable de la galerie. Peut-être était-ce dû à ce que l’on pourrait appeler l’« effet Ron Arad », Downtown ayant choisi de présenter une mini-exposition monographique sur le designer israélien – une douzaine de meubles négociés entre 20 000 et 80 000 euros, tous vendus –, qui jouait justement sur l’ambiguïté entre mobilier et sculpture. Sa production se situe, en effet, à la frontière entre l’art et le design. Et c’est sans doute ce qui a attiré à ce point des collectionneurs venus avant tout à la FIAC pour l’art contemporain.
Reste un bémol, selon Pierre Staudenmeyer : le côté « hautement spéculatif » qu’a, peu à peu, pris le marché du design. « Dans les années 1980, explique-t-il, avec une fausse naïveté, nos clients étaient des collectionneurs d’art contemporain qui se meublaient : ils achetaient pour que les pièces s’usent. Aujourd’hui, ils achètent du design comme de l’art contemporain, pour revendre plus tard et spéculer. » Ce qui n’empêche toutefois pas le galeriste de surfer, lui aussi, allégrement sur cette évolution dudit marché : « Évidemment, je suis d’abord un marchand ! » On n’est décidément pas à un paradoxe près.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°221 du 23 septembre 2005, avec le titre suivant : La FIAC mise sur l’amateur de design

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