La culture n’est pas à vendre

Vers une convention mondiale pour la diversité culturelle

Le Journal des Arts

Le 21 février 2003 - 650 mots

Afin de lutter contre les dangers de l’uniformisation culturelle, corollaire d’une mondialisation incontrôlée, quinze ministres de la Culture du monde entier ont récemment proposé l’élaboration d’une convention internationale sur la diversité culturelle. Une initiative qui rejoint les préoccupations de nombreuses organisations professionnelles de la culture, inquiètes face aux engagements de libéralisation dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

PARIS - Dans le contexte des négociations en cours à l’OMC – les États membres de l’Organisation mondiale du commerce doivent proposer avant le 31 mars de nouveaux domaines économiques susceptibles d’être mis en concurrence –, la communauté civile internationale et les pouvoirs publics se mobilisent pour la défense de la diversité culturelle. Celle-ci est “menacée aujourd’hui par le spectre de l’uniformisation et de l’hégémonie financière”, selon le Comité de vigilance pour la diversité culturelle. Créé en 1997 contre l’AMI (accord multilatéral sur les investissements, négocié à l’OCDE), ce comité rassemble quarante et une organisations professionnelles de la culture – cinéma, télévision, spectacle vivant, édition, musique, arts graphiques et plastiques et multimédia – défendant la diversité culturelle face aux négociations commerciales internationales. C’est à son initiative que se sont tenues, du 2 au 4 février à Paris, les Deuxièmes Rencontres internationales des professionnels de la culture – les premières avaient eu lieu à Montréal en septembre 2001, mais avaient été éclipsées par les attentats du 11 Septembre.
Fortes de quelque trois cents participants venus de trente-cinq pays, elles ont réaffirmé que “les œuvres de l’esprit ne sauraient être réduites à leur seule dimension marchande”. “La loi du marché n’est pas irréversible si nous y opposons une démarche offensive pour imposer la notion d’exception culturelle en excluant définitivement la culture du champ des négociations commerciales. L’objet de ces rencontres est d’encourager nos responsables politiques à contribuer à l’élaboration d’un instrument international sur la diversité culturelle qui assurera un fondement juridique au droit des États à établir leur politique culturelle”, a déclaré le Comité de vigilance dans un appel signé par plus de 200 artistes. Cet appel n’est pas resté vain puisque, le 2 février, Jacques Chirac proposait l’adoption par l’Organisation des Nations unies pour la science, la culture et l’éducation (Unesco) d’une convention internationale sur la diversité culturelle dotée d’une force contraignante. Mis à l’honneur dès octobre 2002 par le RIPC (Réseau international sur la politique culturelle), ce projet a été débattu Rue de Valois les 5 et 6 février .
Créé en 1998, le RIPC est une tribune internationale informelle où les ministres de la Culture du monde entier peuvent échanger des idées sur les nouveaux enjeux culturels et les moyens de favoriser la diversité, à l’heure où “un seul pays impose sa platitude et sa banalité au monde entier”, selon les mots de Jean-Jacques Aillagon, ministre français de la Culture. C’est à son invitation et à celle de son homologue canadien Sheila Copps que treize ministres – sur les 53 que compte cette tribune – se sont réunis à Paris. Venus d’Afrique (Sénégal, Maroc, Burkina Faso, Afrique du Sud), d’Amérique (Canada, Colombie, Argentine), d’Europe (Croatie, Grèce, Italie, Pologne, Suède, Suisse) et du Proche-Orient (Liban), ceux-ci ont milité en faveur d’une convention internationale destinée à souligner les droits et les devoirs des États en matière de diversité culturelle, à réaffirmer la spécificité des biens et des services culturels et à défendre le pluralisme linguistique.
Pour le RIPC, l’Unesco constituerait le cadre idéal pour l’élaboration d’un tel traité. L’organisation a en effet adopté en 2001 une “déclaration universelle” proclamant que “la diversité culturelle est, pour le genre humain, aussi nécessaire que l’est la biodiversité dans l’ordre vivant” et qu’il “revient à chaque État [...] de définir et de mettre en œuvre sa politique culturelle”. Sollicité par le RIPC, Koïchiro Matsuura, directeur général de l’Unesco, s’est déclaré favorable à un tel projet. Celui-ci pourrait voir le jour en 2005, soit l’année de clôture de l’Uruguay Round, le cycle de négociations de l’OMC...

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°165 du 21 février 2003, avec le titre suivant : La culture n’est pas à vendre

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