La Biennale séduit les petits, puis les grands

Le Journal des Arts

Le 22 septembre 2000 - 829 mots

Le service des publics a tenu un rôle important dans la 5e Biennale d’art contemporain à Lyon qui ferme ses portes le 24 septembre. Ainsi, depuis la rentrée des classes, quelque 1 200 groupes (primaires, collèges, lycées) soit plus de 30 000 élèves ont fait une visite accompagnée. Encadrés par une vingtaine de « médiateurs » formés pour l’occasion par la Biennale et issus d’origines diverses (école d’art, histoire de l’art, ethnologues essentiellement), ils se conduisent « en animateurs et non en guide ou en conférencier », insiste Liselotte du Tilly chef du service.

LYON - Les élèves de CM1 de l’école des Meynis (Lyon-3e) que nous avons suivis, ont ainsi été amenés à donner leurs impressions sur l’idée d’exotisme. La visite est basée sur ce principe : faire dire aux enfants ce qu’ils voient, plutôt que leur fournir une explication clé en main. L’approche est descriptive – “comment est fait l’objet qui est devant vous ?” –, accroche l’attention et “l’interprétation, multiforme le plus souvent, en découle naturellement”, explique Stéphane Cateland leur accompagnateur.

Agglutinés autour du globe de Jan Fabre, leurs mains tendues vers les scarabées qui le recouvrent, les enfants s’excitent comme les satellites éphémères de cet astre improbable. “Et comment il les a trouvés ?”, “Tu as vu comme ils sont serrés ?”, “C’est quelle planète ça?”, “Je peux en décrocher un ?” : les remarques et les questions fusent, entrecoupées par les consignes habituelles à la visite muséale : il ne faut pas toucher… même lorsque la tentation est forte !

Les reparties jaillissent
C’est dans un calme tout relatif mais toujours attentif, que les enfants sont conduits vers les tôles anthropomorphes de Calixte Dakpokan. La récupération, voilà un sujet qui les passionne tous et pour lequel ils ont des dons insoupçonnés : un enfant sort de sa poche la cire enveloppant le Babybel de son déjeuner et modèle une figurine.

Les personnages en feuilles de Serge Goudin-Thèbia rencontrent le même succès et quand un enfant avance qu’il s’agit de clochards, un autre réplique : “Ouais, avec des lunettes à 2 000 balles, ça m’étonnerais !” Car les reparties jaillissent sans discontinuer : les vêtements directement tissés par des vers à soie sur les corps de deux femmes nues de Liang Shaoji suscitent un même cri d’effroi. Et pour les œuvres moins immédiates, ou dont l’arrière-plan critique ne peut être passé sous silence, l’approche demeure intuitive mais juste. Ainsi, les maquettes d’Anne et Patrick Poirier ou de Thomas Hirschhorn suscitent-elles un malaise et plus de questions que de remarques.
 
Adultes paralysés
Le parcours est organisé autour d’une sélection drastique d’œuvres, devant lesquelles les enfants passent une dizaine de minutes. Un temps de regard que s’accordent rarement les adultes. Accompagnée de quelques mamans venues en renfort, l’institutrice Dominique Peyron soutient l’expérience : “Il faut qu’il y ait des moments d’apprentissage différents et les enfants sont très réceptifs à ce type de visite.” Quant à la préparation, elle a été assurée le matin même en classe, et pour Dominique Peyron la veille, lors d’une tournée organisée pour les enseignants. Les impressions de la petite classe seront retranscrites dans le journal de l’école.

 Si la visite suscite les commentaires nombreux des enfants, il n’en va pas de même pour les adultes. “Nous avons fait le circuit en silence et ça n’est qu’à la fin que nous avons osé donner un avis ou glisser une question”, reconnaît Dominique Peyron. Et le contraste frappe en effet lorsqu’on voit passer la sage procession des adultes qui ne pipent mot lors du trajet de 15h30. L’autre intérêt des visites avec des enfants, est sans doute de modifier l’attitude de leurs mères. Souvent réticentes face à ce qu’elles voient, elles suivent avec attention les réactions des enfants et peu à peu se prennent au jeu. Elles ont aussi des remarques à faire, qu’elles formulent plus facilement en leur présence. Elles ont été séduites de loin par le temple de Wanda Gu et déroutées par les cheveux qui composent ses murs lorsqu’elles s’en sont approchées. Une “ambivalence des œuvres” qu’une maman “ne soupçonnait pas” avant sa venue.

Le service mis en place à l’occasion de cette Biennale est composé de 5 personnes travaillant à temps plein. “Nous nous occupons de la conception des parcours comme de l’organisation du planning dont les enchaînements doivent être réglés à la 1/2 heure près en pleine saison�?, explique Liselotte du Tilly. Chaque parcours – les “contrastes�? pour les maternelles, le “métissage�? pour les primaires, le “territoire�? pour les collèges et le “corps�? pour les lycées – peut être adapté en fonction des demandes des enseignants, qui sont le plus souvent “contents de se glisser dans ce qu’on leur propose�?, remarque un animateur. Les visiteurs non scolaires peuvent suivre des visites individuelles commentées, des parcours en famille ou encore laisser les enfants à l’atelier animé par l’artiste Yolande Six. Cette segmentation des publics témoigne sans conteste d’une volonté d’adapter l’événement aux habitudes des spectateurs, même et surtout lorsqu’ils sont néophytes.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°111 du 22 septembre 2000, avec le titre suivant : La Biennale séduit les petits, puis les grands

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