Internet : la fête est finie

Par Emmanuel Fessy · Le Journal des Arts

Le 1 mars 1996 - 456 mots

Le troisième Milia (), qui s’est tenu à Cannes du 8 au 12 février, affiche des chiffres triomphants. Neuf mille participants, issus de 51 pays, ont envahi le \" bunker \", le Palais des Festivals, soit 117 % de plus que lors de la première édition. La course frénétique vers le multimédia ne se ralentit donc en aucun cas, mais elle se joue dans un climat différent où les appétits s’aiguisent, et où la question des contenus se pose avec encore plus d’insistance. Dans ce domaine, les musées, en particulier, ont un rôle à jouer.

CANNES - Le Milia 95 avait été celui des CD-Rom. Cette année, il a consacré la croissance de l’offre sur les réseaux en ligne, ces services auxquels "l’Internaute" peut accéder au moyen d’un ordinateur, d’un modem relié à une ligne téléphonique, en payant un abonnement mensuel à une société privée. Trois géants américains – CompuServe, America Online et Microsoft Network –, un européen – Europe Online –, et trois français – Infonie, France en Ligne et Wanadoo – vont livrer bataille.

Dès l’ouverture du Milia, Nicholas Negroponte, fondateur du "Media Lab" au Massachusetts Institute of Technology (MIT), a donné le ton : "1996 sera l’année de la sécurisation des paiements", ce qui devrait enfin permettre de répondre à la question : "Comment faire de l’argent avec le Net ?". Selon lui, d’ici trois à cinq ans, les transactions s’imposeront comme la première source de revenus sur le Web, de­vant la publicité et les abonnements.

Cette évolution commerciale, très loin de l’euphorie hippie des débuts, inquiète certains artistes, comme en témoigne Laurie Anderson dans l’entretien qu’elle nous a accordé. Elle pose avec encore plus d’acuité le problème du contenu des services offerts. Dans ce domaine, quel rôle vont jouer les musées ? Vont-ils laisser des sociétés privées développer des projets en amont des leurs, ou  cantonner ces sociétés dans la commercialisation de bases de données existantes ? Certains musées veulent simplement décliner leurs activités, alors que d’autres estiment indispensable de se fondre dans la "culture web" et offrir des programmes adaptés et actualisés. Outre la vente de produits dérivés, certains envisagent des services payants tandis que d’autres plaident pour une gratuité totale.

Ces questions ont été au cœur d’un débat organisé au Milia, dont nous rendons compte par ailleurs. Celui-ci a également évoqué la volonté du Congrès américain de censurer certains serveurs : "Je suis presque terrorisé par ce qui pourrait arriver, s’est ému Pierre Landry, conservateur au Musée des beaux-arts d’Ottawa. Certaines photographies de notre collection pourraient être considérées comme indécentes". "Je suis contre toute censure d’œuvres de musée. Je pense à l’Origine du monde de Courbet, je trouverais choquant qu’on en interdise la reproduction", a averti Françoise Cachin, directeur des Musées de France.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°23 du 1 mars 1996, avec le titre suivant : Internet : la fête est finie

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