graphiste

Etienne Robial, les coulisses de l’exploit

Par Gilles de Bure · L'ŒIL

Le 1 février 2001 - 570 mots

Ça pète un peu partout dans Paris en ce joli mois de mai 1968. A l’Ecole des Beaux-Arts, le comité d’occupation met les bouchées doubles. D’un atelier à l’autre, on s’agite, on conçoit, on dessine, on sérigraphie des affiches militantes qui vont faire le tour du monde. Etudiants, artistes célèbres, anonymes, l’Ecole est devenue un phalanstère créatif où les journées de travail durent véritablement vingt-quatre heures. Parmi ces quelques dizaines d’agités du bocal, un petit bonhomme discret, qui arrive tout droit de l’Ecole des Arts et Métiers de Vevey (après avoir obtenu la note inhabituelle de 20/20 à son diplôme des Beaux-Arts de Rouen d’où il est originaire), a relevé ses manches et travaille d’arrache-pied, d’arrache-main, d’arrache-œil... Tant et si bien qu’il se retrouve à la mise en page de L’Enragé, l’un des brûlots les plus vivaces et sympathiques de l’époque. Le petit bonhomme discret se nomme Etienne Robial. Il vient de mettre le pied à l’étrier. Il va vite devenir un grand bonhomme, mais restera toujours discret. S’enchaîneront des piges chez Barclay et chez Filipacchi qui lui permettent de mettre en lumière son goût pour la musique et pour la presse. Les affaires sont les affaires, mais la marge et la mouvance sont toujours là, extrêmement présentes. En 1972, Robial ouvre, en compagnie de Florence Cestac, la librairie Futuropolis, la première exclusivement consacrée à la bande dessinée à Paris, et fonde la maison d’édition éponyme qui va, 20 ans durant, publier de petits chefs-d’œuvre de dessin, mais aussi d’esprit, de maquette, de mise en page... Aujourd’hui, les albums de Futuropolis sont devenus des vintages recherchés et hors de prix.
En 1975, Robial conçoit la maquette de Métal Hurlant, le mensuel de Jean-Pierre Dionnet, aujourd’hui maître du « cinéma de quartier » à Canal , et, dès 1977, il participe à l’aventure de Bazooka, un groupe de graphistes et d’illustrateurs hors normes. En 1984, il conçoit l’image graphique des Enfants du Rock à la demande de Pierre Lescure. Un renouvellement de l’image télé comme on n’en avait jamais vu. Deux ans plus tard, Lescure lui demande de concevoir toute l’image de Canal qui se crée. Robial met alors au point un système visuel d’une étonnante simplicité, basé sur une écriture plus architecturale que graphique, et déclinable à l’infini. Le système, en apparence d’une très grande simplicité, est en réalité d’une complexité redoutable. Directeur artistique général de Canal , il n’en conçoit pas moins dans la foulée le système visuel de M6 qui, dans un registre extrêmement différent, culmine au même niveau. « Je vous ai concocté une garde-robe parfaitement interchangeable. Chemises, cravates, vestes... tout se répond et se mélange », affirmait Robial au staff de Canal . De cette boutade est née l’expression « habillage ». Comme quoi... L’exposition, la première à Paris, que présente actuellement la galerie Anatome, réunit l’essentiel de ses exercices de style : bande dessinée, édition, presse, télévision, sport (PSG...), et l’ensemble de la « folie » Canal (120 filiales, 240 logos, plus de 1000 génériques déclinés en quelques dizaines de langues…). Mais plus encore que dans cet aboutissement convaincant et exceptionnel, c’est dans les limbes qu’il faut aller chercher le secret, la magie Robial. Ses carnets de croquis, d’esquisses et de recherches témoignent des idées jaillissantes, des fausses pistes, des repentirs, des redites et démontrent que ce grand bonhomme conjugue admirablement la rigueur, le cadre, la structure et l’aléatoire.

PARIS, galerie Anatome, jusqu’au 24 février.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°523 du 1 février 2001, avec le titre suivant : Etienne Robial, les coulisses de l’exploit

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