Ernest Pignon-Ernest - Le rebelle éternel

Par Philippe Piguet · L'ŒIL

Le 22 septembre 2009 - 558 mots

Passé maître dans l’art du dessin comme dans celui du collage, Ernest Pignon-Ernest est une sorte d’artiste-perturbateur, tout à la fois militant et poète.

Défenseur à sa manière des causes les plus honteuses dont la société est coupable, il s’est fait aussi le chantre d’une bohème en quête d’absolu. Depuis près de quarante ans, il développe une œuvre qui vise ainsi tant à éveiller la conscience collective qu’à tendre au passant des perches pour qu’il s’évade de son quotidien. Il a collé la figure de gisants sur les marches du métro Charonne pour s’insurger contre la violence meurtrière de la police (1971). Il a placardé celle de Rimbaud aux quatre coins des rues pour inviter l’autre au vagabondage de l’esprit (1978-1979). Il a couvert les rues de Naples de figures meurtries empruntées à la peinture baroque (1988-1995). Il a affiché sur les murs en Afrique du Sud le fléau du sida pour clamer le drame d’un peuple (2001-2002). Il y a quelque chose d’une révolte permanente qui gronde chez lui et qui le porte à vouloir toujours dire son mot. Ernest Pignon-Ernest a sans cesse revendiqué la nécessité pour l’art contemporain de ne plus opérer comme un reflet du réel, mais de « viser à une insertion dialectique » avec celui-ci. Aussi l’artiste s’est-il rangé dans le camp des rebelles du côté des opprimés et des marginaux.

Fusain et pierre noire, sa drogue
La soixantaine à mi-chemin, E. P.-E. n’a rien perdu de ses convictions, et son engagement est resté intact. Quoiqu’il ait fait carrière, qu’il figure abondamment dans les collections publiques, qu’il travaille avec des galeries de renom et qu’il compte une impressionnante bibliographie, l’artiste demeure une figure dérangeante et attachante et chacun de ses actes semble chaque fois le commencement d’une nouvelle histoire. S’il reconnaît être un intoxiqué du dessin, et plus particulièrement du fusain ou de la pierre noire, Pignon-Ernest ne l’utilise pas seulement pour lui-même, mais comme un outil au service de la fabrication d’une image destinée à être collée dans la rue. Non l’original, mais sa reproduction sérigraphique. Le dessin demeure pour lui-même comme une œuvre d’art à part entière, sauf à être associé aux photographies de ses interventions dès lors qu’il choisit de l’inclure dans des compositions qui opèrent comme les traces mémorables de ses actes. À moins qu’il ne serve de matrice à une production d’estampes, comme on peut le voir à la galerie Lelong. Qu’il se saisisse de figures aussi chargées que celles d’Antonin Artaud à Ivry, de Maurice Audin à Alger et de Genet à Brest ou qu’il s’en prenne à celle d’Angelo da Foligno, grand mystique italien, c’est toujours pour Ernest Pignon-Ernest l’occasion de mêler toutes les formes de l’histoire. Tous les styles et tous les genres aussi, comme en témoignent les très nombreux travaux préparatoires en amont de chacune de ses campagnes. Son œuvre s’offre ainsi à voir sous deux angles bien définis  : elle est celle d’un artiste engagé dans l’histoire et dans son époque en même temps que, par la façon qu’il a d’intervenir dans l’espace urbain, elle travaille celui-ci en espace symbolique.

Biographie

1942
Naissance à Nice.

1966
Première intervention in situ (plateau d’Albion).

1979
Exposition au musée d’Art moderne de la Ville de Paris.

2002
Sérigraphies sur les murs de Soweto et de Warwick (Afrique du Sud).

2009
Vit et travaille à Paris.

« Estampes numériques », jusqu’au 10 octobre à la galerie Lelong à Paris, www.galerie-lelong.com

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°617 du 1 octobre 2009, avec le titre suivant : Ernest Pignon-Ernest - Le rebelle éternel

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